Le 15 mai de chaque année, les Palestiniens célèbrent, depuis 73 ans dans la douleur, la « Nakba ». Cette tragédie a vu des centaines de milliers de Palestiniens de Haifa, de Yafa, de Akka, de Lod, de Ramla et de Nasira (Nazareth) expulsés de force par des milices juives. Ils avaient pris la route de l’exil. 73 ans après, leurs descendants sont toujours éparpillés dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, Gaza, Jordanie, Liban, Syrie etc.
73 ans après, la Nakba continue. Les descendants des Palestiniens expulsés de chez eux en 1948 sont, au moment même où ces lignes sont écrites, sauvagement bombardés à Gaza et impitoyablement réprimés à Jérusalem et en Cisjordanie dans les zones sous contrôle de l’armée israélienne.
73 ans après, Israël ne s’est jamais trouvé dans une situation aussi inextricable que celle dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Depuis sa création en 1948, sa réputation n’a jamais été aussi désastreuse et l’immoralité de ses politiciens aussi profonde.
Course contre la montre pour Netanyahu
Des drames terrifiants se déroulent actuellement à Gaza, à Jérusalem et dans les villes israéliennes où vivent côte à côte Arabes et Juifs. On peut légitimement se demander si ces drames auraient eu lieu à ce moment même, si Benyamin Netanyahu n’était pas menacé de prison et s’il avait pu former un gouvernement après la quatrième élection législative en deux ans ?
Selon la loi israélienne, le Premier ministre, quelle que soit la gravité des crimes dont il est accusé, ne pourra ni être jugé ni être emprisonné tant qu’il est en poste. N’ayant pu rassembler les 61 parlementaires nécessaires pour passer son gouvernement, Netanyahu a dû accepter la mort dans l’âme la désignation d’une autre personnalité, Yaïr Lapid (chef du parti Yesh Atid) pour former une équipe gouvernementale.
Entre temps, et alors qu’il est encore chef du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, il voyait l’étau de la justice se resserrer autour de lui et le spectre de la prison devenir de plus en plus réel. Tel un rat pris dans la souricière, il commença à se débattre. Il s’engagea dans une course contre la montre pour sortir du piège qui le happe. Pour fuir la justice qui le poursuit. Pour éviter la prison qui l’attend.
Que faire dans ces conditions sinon puiser dans le machiavélisme le plus primaire ? Pour Netanyahu, se maintenir au pouvoir passe nécessairement par l’échec de Yaïr Lapid de former un gouvernement, ce qui conduira nécessairement à la cinquième élection législative, un répit de plusieurs mois et une nouvelle chance d’améliorer les résultats électoraux du Likoud.
« Netanyahu a dû accepter la mort dans l’âme la désignation d’une autre personnalité, Yaïr Lapid »
De tels objectifs ne pourront se réaliser que si Israël est engagé dans une nouvelle confrontation avec les Palestiniens. Et là, Netanyahu va réussir à coups de provocations minutieusement calculées.
Première provocation : interdire aux Palestiniens de Jérusalem de participer aux élections programmées après un accord laborieusement conclu entre Hamas et l’Autorité palestinienne.
Deuxième provocation : ordonner l’expulsion de familles palestiniennes du quartier Cheikh Jarrah à Jérusalem qui y vivent depuis 1948 sous le prétexte fallacieux que leurs maisons… appartiennent à des juifs.
Troisième provocation : choisir les derniers jours de Ramadan, y compris la nuit de destin, pour empêcher les Palestiniens ne résidant pas à Jérusalem d’entrer pour faire leurs prières à Al Aqsa.
La guerre contre Gaza
Ces provocations sont aggravées par la coïncidence cette année entre les dates de la nuit du destin et de « la Journée de Jérusalem » que les Juifs fanatiques célèbrent au Mur des lamentations, à proximité de la mosquée Al Aqsa. Les troubles déclenchés au quartier Chekh Jarrah se sont étendus à la vieille ville, à Bab el Amoud et aux environs d’Al Aqsa.
La confrontation recherchée par Netanyahu était devenue inévitable. Prenant le parti des fanatiques juifs, la police israélienne envahit l’esplanade de la Mosquée Al Aqsa. Les fidèles palestiniens sont surpris en pleine prière par une pluie de balles, de grenades assourdissantes et de bombes lacrymogène. Bilan : 330 blessés palestiniens en quelques heures.
Ce que ni Netanyahu ni son armée ni ses services de renseignement n’ont prévu, c’est l’arrivée de roquettes du Hamas sur Jérusalem. Cet événement aussi surprenant qu’imprévu força Benyamin Netanyahu d’entrer encore une fois en guerre contre Gaza. Encore une fois, les bombardiers israéliens prennent pour cibles immeubles, infrastructures et population civile.
« Ce que ni Netanyahu ni son armée ni ses services de renseignement n’ont prévu, c’est l’arrivée de roquettes du Hamas sur Jérusalem »
A l’heure où ces lignes sont écrites, le nombre des morts s’élève à 130 dont des dizaines de femmes et d’enfants tués soit par les éclats de bombes, soit sous les décombres de leurs maisons détruites. Des centaines d’immeubles, d’habitations et de commerces détruits ou gravement endommagés. Un nombre qui s’ajoute aux destructions de la guerre de 2014 dont beaucoup sont jusqu’à maintenant en état de ruines.
Mais cette fois, les calculs de Netanyahu se sont révélés faux. Il pensait qu’il allait écraser les Palestiniens sous ses bombes comme d’habitude sans réactions notables sinon les sempiternelles dénonciations et critiques verbales. Ce que ni lui ni son armée ni ses services de renseignements n’ont prévu, c’est la réaction du Hamas.
Cette fois, les mouvements de résistance à Gaza ont réagi avec une pluie de roquettes et de fusées sur Tel-Aviv, Ashkelon, Ashdod, Bir Essabaa. Les roquettes n’ont pas épargné l’aéroport de Ben Gourion près de Tel-Aviv, ni même l’aéroport de Ramon près d’Eilat et loin de quelques 300 kilomètres de Gaza.
Soulèvement des Arabes israéliens
Résultats : panique parmi la population israélienne qui se terre dans les abris à chaque déclenchement des sirènes ; stupéfaction et confusion dans la classe politique et la hiérarchie militaire ; arrêt du trafic aérien dans tout le pays ; mise à nu de l’inefficacité du coûteux « dôme de fer », un machin extrêmement coûteux, financé par le contribuable américain et censé protéger Israël contre les roquettes et les missiles ennemis.
Mais ce que Netanyahu n’a pas prévu et qui va constituer sans doute le choc de sa vie, c’est le soulèvement des Arabes israéliens dans les villes mixtes de Haifa, Akka, Yafa, Lod, Ramla et Nasira. Des affrontements sans précédant depuis 73 ans se sont déclenchés entre citoyens arabes et juifs. Des affrontements aggravés par des colons armés venus soutenir leurs coreligionnaires aux cris de « mort aux Arabes ».