Dans une période où les critiques pleuvent sur la situation des finances publiques, l’exécution du Budget est un indicateur clé. Et ce, pour avoir une idée préliminaire sur les équilibres généraux. Un début d’année plutôt calme en dépit de chiffres macroéconomiques inquiétants. L’histoire récente nous a appris que les « meilleures surprises » budgétaires sont toujours pour la fin.
En termes de ressources et de budget, et bien que le premier trimestre 2021 soit manifestement moins bon que celui de l’année précédente, les recettes propres ont affiché une légère amélioration de 1,2%. Et ce, pour s’établir à 7 822 MTND, sans atteindre les chiffres de 2019 (8 076 MTND).
Belle collecte fiscale
La part des impôts indirects est à son plus haut niveau depuis 2018, représentant 57,1% des recettes fiscales. L’impôt sur le revenu a progressé, bénéficiant notamment des revalorisations des rémunérations des fonctionnaires. Le secteur privé, et exception faite des activités régies par des conventions sectorielles, n’aurait pas contribué à cette tendance. La décroissance des valeurs ajoutées des différents secteurs et la hausse du chômage corroborent cette hypothèse.
Nous notons en particulier une hausse de l’impôt sur les sociétés, un trend surprenant pour le moment. Cette amélioration provient des sociétés non pétrolières (+11,2% à 620 MTND). A notre avis, elle a été réalisée, en partie, grâce à la contribution conjoncturelle supportée par les établissements financiers. Cette évolution devrait décélérer à partir du second trimestre 2021. Les plus grands payeurs d’impôts ont honoré leurs engagements vis-à-vis de l’administration et il ne reste que les PME qui souffrent déjà. Néanmoins, la tendance reste beaucoup mieux que prévue. Et la baisse serait moins accentuée que les projections de la Loi de Finances 2021 (-7,2% à 2 423 MTND).
Le point remarquable au niveau des ressources reste les recettes non fiscales. Lesquelles ont chuté à 235 MTND contre 1 019 MTND sur la même période en 2020. Ce décalage est dû au retard du paiement de dividende par la BCT, le plus important en Tunisie. Les comptes auraient déjà été équilibrés; même si le montant distribution de cette année (567 MTND) est inférieur à celui de l’année précédente (704 MTND).
Les ressources en devises sont là
Côté endettement, la situation n’est pas aussi catastrophique que la majorité le pensait. Concrètement, l’Etat a pu mobiliser 890 MTND de dettes extérieures, largement dans la moyenne des années précédentes. La Tunisie a pu obtenir 526 MTND de la BIRD et 195 MTND de la BAD. Ce qui constitue l’essentiel des ressources du budget (83,3%) provenant de ces deux bailleurs de fonds. Reste l’AFD, l’Union Européenne, la KfW et surtout la fameuse sortie en Eurobond.
Au niveau de l’endettement local, l’activité était intense durant les premiers mois avec 1 839 MTND de BTA et 110 MTND de BTCT. En contrepartie, aucun recours aux banques en matière d’emprunts en devises n’a été enregistré. La situation reste donc maîtrisée pour le moment.
Allégement de la compensation
L’Etat a bien géré ses dépenses pour ce début d’année. Il a ainsi assuré les rémunérations de ses fonctionnaires (5 148 MTND). Tous les autres postes de charge ont été revus à la baisse, notamment les dépenses d’intervention (-12,4% à 1 554 MTND) et celles d’investissement (-38% à 415 MTND).
Même au niveau de la Loi de Finances 2021, ces dépenses devraient baisser, surtout celles d’interventions (-16,1%) grâce à a baisse de la compensation. Cette dernière a bien reculé durant le premier trimestre à 673 MTND, contre 954 MTND sur la même période en 2020. L’Etat n’a effectivement supporté que 100 MTND de subventions de carburants à la suite des augmentations de prix depuis le début de l’année contre 540 MTND en 2020. Toutefois, il a dû payer beaucoup plus en matière de produits de base, à 449 MTND (229 MTND en 2020).
La période soft pour le budget s’étalerait jusqu’au mois de juin
Pour le moment, les équilibres sont bien là, mais plus on avance dans l’année, plus ils deviendront fragiles. Le second trimestre est historiquement le meilleur en matière de recettes fiscales, ce qui devrait conforter l’Etat. Nous ne prévoyons pas de difficultés particulières d’ici le mois de juin. La période critique devrait débuter avec la saison estivale. Surtout si l’Etat ne parvient pas à mobiliser des ressources importantes en devises. Nous comprenons donc pourquoi le gouvernement ne peut pas faire grande chose pour les entreprises affectées par la COVID-19 parce qu’il est lui-même en stress.
Maintenant, et avec l’intention de réviser les subventions à la baisse, le climat social risque de se dégrader dans les mois à venir. Tandis que la marge de manœuvre de l’exécutif serait quasiment nulle. Comment expliquer à la population cette réalité? Alors que la majorité est convaincue que le pays dispose de pleins de ressources, que nous sommes spoliées par les forces occidentales et les hommes d’affaires? Il y a certes encore de la mauvaise gouvernance, mais nous n’avons pas autant de richesses cachées. L’été de Tunis serait chaud, brûlant même.