On pensait que les lois de la géopolitique avaient définitivement exclu la question des Palestiniens de l’agenda international.
Force est de reconnaître que celle-ci revient avec force; malgré le silence relatif de la communauté internationale. Derrière les derniers évènements, c’est le fait colonial contre les Palestiniens qui nourrit le cercle de la violence.
Retour sur les circonstances de la nouvelle séquence contre les Palestiniens
En effet, dans le quartier de Sheikh Jarrah, à l’est de Jérusalem, une bataille judiciaire autour de l’expulsion de familles palestiniennes par des colons israéliens illustre une pratique faisant partie de la politique de colonisation israélienne, illégale en droit international.
Celle-ci a cristallisé des tensions qui ont basculé dans une violence incontrôlable. Depuis la fin du ramadan, les manifestations réprimées par la police israélienne ont fait des centaines de blessés à Jérusalem-Est. Sur fond d’ambiance de guerre civile dans diverses villes israéliennes de Cisjordanie. Les cris « morts aux Arabes » ont souvent basculé dans la chasse aux Arabes.
Désormais, Gaza subit une énième opération militaire; et ce, suivant un schéma classique, mortifère. La flambée de violence vient rappeler combien le statu quo est intenable en l’absence de résolution durable du conflit.
Des enjeux de politique intérieure
La confrontation politico-militaire entre Israël et le Hamas s’inscrivent dans un contexte politique interne qui nourrit la stratégie des deux parties.
Ainsi, en Israël, les dernières élections législatives ont accouché d’un vide politique. Puisqu’aucune force partisane n’est en position de former un gouvernement. Une situation qui motive le premier ministre Benyamin Netanyahou à jouer sa carte préférée. Celle qui consiste à porter les habits de chef de guerre face à une menace existentielle plus fantasmée que réelle.
Tandis que du côté palestinien, l’Autorité palestinienne dirigée par M. Abbas est définitivement démonétisée et délégitimée. En effet, ce dernier décidait unilatéralement le report sine die des élections prévues en mai et juin. Tout en gardant un silence assourdissant en pleine opération militaire israélienne à Gaza. Consternant. D’ailleurs, la crainte de voir le Hamas s’arroger le leadership palestinien, y compris en Cisjordanie, tétanise le Fatah du président Abbas, campé sur sa rente et toujours rongé par une corruption endémique.
Quant au Hamas, qui contrôle Gaza, sa stratégie offensive l’amène à lancer des séries de salves de tirs de roquette en direction d’Israël et de Jérusalem. Au risque de voir la ville écrasée par les bombardements… Une stratégie qui joue la carte du rapport de forces, qui ne garantie pas l’ouverture de nouvelles perspectives politiques.
Un conflit colonial
Les Palestiniens viennent de célébrer la mémoire de la Nakba. Expression qui signifie la « grande catastrophe ». Elle désigne l’exode massif de près de 750 000 Palestiniens dans le contexte de la première guerre israélo-arabe de 1948-1949. Pourtant, la situation actuelle résulte du processus de colonisation né après la « Guerre des Six jours » et la « Naksa ». La victoire militaire israélienne s’est traduite à l’époque par une extension spectaculaire de sa superficie. Avec le contrôle de la bande de Gaza, de la péninsule du Sinaï, du plateau du Golan, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Si Israël n’est pas loin de maîtriser l’ensemble du territoire de la Palestine mandataire; la « réunification » de Jérusalem revêt une signification historique et symbolique toute particulière.
Effectivement, après l’annexion de la partie arabe de la ville, la Knesset déclarait Jérusalem « réunifiée » comme « capitale éternelle et indivisible » de l’État d’Israël en décembre 1980. Pareille revendication s’oppose frontalement à la volonté des Palestiniens de faire de Jérusalem-Est la capitale de leur hypothétique futur État. Une position palestinienne encore soutenue par une majorité de la communauté internationale. En atteste le trouble suscité par la décision de D. Trump (et confirmée par J. Biden) de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem…
La Guerre des Six jours et les Accords d’Oslo
L’occupation militaire comme l’annexion rime avec colonisation. Débutée peu après la fin de la «Guerre des Six Jours», la politique de colonisation de la Cisjordanie ne s’est jamais démentie; pas même après les accords d’Oslo (1993).
Ainsi, l’ex-Secrétaire d’Etat américain John Kerry faisait un rappel édifiant juste avant de quitter ses fonctions. Il indiquait que le nombre de colons pour la seule Cisjordanie, sans compter Jérusalem-Est, avait augmenté de 270 000 depuis les accords d’Oslo de 1993. Et ce, dans un discours testamentaire qui restera dans les annales diplomatiques.
Par ailleurs, l’immigration juive, l’appropriation foncière et le peuplement initiés à la fin du XIXe siècle acquéraient une nouvelle dimension après la Guerre des Six jours. Cette évolution témoigne d’un double phénomène inhérent au conflit israélo-palestinien. Soit: l’enjeu démographique et le poids de la religion sur le sionisme moderne.
Car, si juste après la Guerre des Six Jours en 1967, l’installation de rares colonies par le gouvernement se fait dans des zones peu ou pas peuplées et récemment conquises; à partir du début des années 1970, des colons procèdent à des installations illégales même aux yeux du droit israélien.
De ce fait, entre les colonies pérennes, qui s’installent le plus souvent à proximité de la ligne d’armistice de 1967, et que légalise au fur et à mesure la justice israélienne– mais pas par la communauté internationale–, il existe des avant-postes. Ces avant-postes sauvages ne sont pas reconnus par l’Etat, mais sont le plus souvent tout de même protégés par l’armée. Et sont parfois démantelés à grands frais. Pourtant, leur installation intervient pour tous après les accords d’Oslo de 1993. Alors que l’engagement de Tel-Aviv était de ne plus en autoriser.
Au début des années 1970, les gouvernements israéliens successifs, dirigés par le parti travailliste ou le Likoud, développèrent une politique de colonisation dans les territoires occupés. En invoquant alors l’argument de la sécurité d’Israël (Plan Allon);les colonies faisant office de « défenses avancées ».
La Cisjordanie devient un territoire mité
Puis, à la fin des années 1970, le discours prend une tournure religieuse. Le mouvement « GoushEmounim » (Bloc de la foi) se trouve conforté par l’arrivée au pouvoir de la droite nationaliste incarnée par le Likoud. Laquelle accélère l’accaparement des terres arabes et la colonisation. Si les considérations sécuritaires demeurent, une lecture religieuse s’affirme avec force. Et ce, dans la volonté de judaïser les territoires occupés. Le mythe du « Grand Israël » incluant la Judée et la Samarie (et donc une grande partie de la Cisjordanie) nourrit la quête d’une continuité territoriale entre les colonies israéliennes. Et il conduit inexorablement à l’extension des quartiers de colonisation, au détriment des Palestiniens. Ainsi qu’à la constitution de véritables villes, reliées par des routes dites « de contournement » accessibles aux seuls colons. La Cisjordanie devient un territoire mité. Les restrictions de circulation en son sein en accentuent le morcellement.
Enfin, un plan de judaïsation de Jérusalem-Est est clairement à l’œuvre. A travers l’installation de Juifs dans la vieille ville arabe et dans ses alentours par voie d’expropriation. Et en raison du peu de nouvelles constructions.
Par conséquent, l’actuel pic de tension montre que la volonté des diplomaties occidentales et arabes de neutraliser la question palestinienne est vouée à l’échec. Il n’y aura pas de solution à ce conflit sans solution juste fondée sur le droit international.