Face à la recrudescence de la violence à Gaza et dans les Territoires occupés, les pays arabes engagés dans le processus de la normalisation avec l’Etat hébreu sont dans l’embarras. A cause de l’hostilité manifeste de leur population à un rapprochement contre nature avec le bourreau du peuple palestinien.
Eclipsée cette dernière décennie par d’autres soubresauts régionaux tels que le printemps arabe, la terrible guerre en Syrie, la mainmise criminelle de l’Etat islamique sur des vastes territoires du Croissant fertile ou la menace du nucléaire iranien, la question palestinienne est de nouveau au cœur des priorités internationales. Et ce, à cause du réel risque d’embrasement au Moyen-Orient. Mais aussi de la normalisation avec certains pays arabes. Une région « chaude » que les grandes puissances ont eu l’imprudence et la naïveté de reléguer au second plan. Grave erreur géostratégique.
Malaise face à la normalisation
Mais ce sont les pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël, souvent sous la menace du bâton américain brandi par le sinistre ex-président américain, Donald Trump, qui se trouvent dans leurs petits souliers à cause de leurs hasardeuses stratégies diplomatiques.
Car face aux images horribles de victimes palestiniennes, notamment des femmes et des enfants ensevelis sous les frappes meurtrières de l’aviation israélienne, les régimes arabes ayant récemment normalisé leurs relations avec Israël sont dans l’embarras.
Soudain, et alors qu’ils ne s’y attendaient guère, les stratèges du rapprochement avec l’ancien « ennemi sioniste » sont sous le feu des critiques. Et ce, en raison de l’énorme charge émotionnelle ressentie par leurs populations. Lesquelles sont ultrasensibles notamment aux violences exercées par les forces de l’occupation israélienne sur la population palestinienne à l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa, le troisième lieu saint de l’Islam.
Condamnations tièdes et modérées
Fait remarquable: les pays arabes se sont distingués par le ton modéré qu’ils ont employé. Et ce, pour « condamner », discrètement et sans trop de ferveur l’agression israélienne.
Ainsi, Arabie saoudite poids lourds régional, a rejeté « toute normalisation des relations avec Israël sans résolution de la question palestinienne ».
De même, le roi Salmane a fermement condamné « les actions d’Israël à Jérusalem ». Et il également exprimé son soutien aux « droits légitimes du peuple palestinien ». Sachant que Ryad n’a pas encore normalisé ses relations grâce à la prudence du roi Salman qui a su résister à son fougueux héritier du trône. En revanche, le royaume wahhabite a donné son aval aux petits émirats du Golfe, son feu vert pour vivre en concubinage avec l’État hébreu.
Ainsi, du bout des lèvres, les Émirats ont condamné la répression à l’encontre de fidèles retranchés dans la mosquée d’Al Aqsa.
« Haussant le ton », Abou Dhabi a même osé appeler les autorités israéliennes à « assurer la responsabilité d’une désescalade de la violence ». Tel-Aviv en tremble!
Dans un langage plus « audacieux », Bahreïn a condamné les « attaques d’Israël contre Gaza et les territoires occupés ». Paroles, paroles…
Pour sa part, Rabat indique suivre avec une « profonde inquiétude » les violences. Précisant à l’occasion que le roi Mohammed VI, en sa qualité de président du Comité Al-Qods, estime « ces violations comme inadmissibles et alimentant les tensions ».
Accords d’Abraham dans la tourmente
« Les manifestations de protestation qui ont eu lieu au Maroc et dans d’autres pays sur les réseaux sociaux et le mécontentement que l’on peut mesurer dans les sociétés du Golfe sur les réseaux sociaux, viennent rappeler aux dirigeants arabes concernés que la question du sort et des droits des Palestiniens n’est toujours pas réglée et que leurs opinions y sont toujours sensibles ».
« Cette mobilisation et cette colère sont aussi la preuve de la fragilité des processus de rapprochement. Et par extension qu’il n’y aura vraisemblablement pas d’accord de paix possible tant que le conflit israélo-palestinien perdurera ». C’est ce qu’estime un politologue, spécialiste des pays du Golfe.
N’en déplaise à certains, les accords d’Abraham sont de facto renvoyés aux calendes grecques. Pour preuve, certains pays arabes, notamment ceux du Golfe, vont devoir mettre un bémol au rapprochement et à la normalisation avec l’ennemi d’hier. En attendant que l’ardeur de leur propre société pour la cause palestinienne s’estompe.