Lors de l’interview accordée hier mercredi à France 24 dans sa version arabe, le président de la République assurait que le climat politique est « malsain » et guère propice à l’investissement. Des propos étranges, alors même que Kaïs Saied était en visite en France. Et ce, pour participer au Sommet euro-africain au profit des économies des pays africains durement sinistrés par la pandémie.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, le président de la République, Kaïs Saied a parlé pêle-mêle de plusieurs sujets lors de son intervention dans un média étranger. Sauf, des résultats économiques, véritable motif de sa visite en France où il participait au Sommet sur le financement des économies africaines. En effet, il s’est rendu à Paris, lundi 17 mai 2021, sur invitation de son homologue français, Emmanuel Macron. Et ce, pour participer au Sommet euro-africain. Avec pour objectif d’examiner de nouvelles structures de financement au profit des économies des pays du continent africain sinistrés par la pandémie de Covid-19.
Un aveu qu’il est revenu de cette rencontre importante les mains vides?
Kaïs Saied : « La Palestine est dans nos cœurs »
Invité par le journaliste franco-tunisien Taoufik Mjaied sur la chaîne d’information France 24, l’interview ayant été diffusée en différé hier mercredi 19 mai 2021, le Président est longuement revenu sur l’agression de la bande de Gaza pilonnée sans relâche par l’aviation de l’occupation israélienne.
D’ailleurs, dès son départ lundi 17 mai 2021 de l’aéroport de Tunis pour participer au Sommet, le chef de l’Etat annonçait la couleur en arborant un pin’s aux couleurs du drapeau palestinien. Un signe fort au monde entier qui rappelle la position officielle de la Tunisie soutenant la cause palestinienne. Ainsi qu’un geste de provocation contre les autorités françaises qui ont interdit les manifestations de soutien au peuple palestinien. De crainte, arguent-elles, de désordre public et d’éventuels débordements.
« Haute trahison »
« La Palestine est dans nos cœurs, s’est écrié le Président tunisien. L’humanité tout entière doit œuvrer à mettre un terme à cette injustice. Afin d’arrêter ce massacre quotidien perpétré contre le peuple palestinien ».
Puis, le journaliste l’interpellait sur le passionnel débat en Tunisie autour de la criminalisation de la normalisation avec l’Etat hébreu, Kaïs Saied avait prudemment répondu que chaque pays est libre de ses choix. Soulignant, néanmoins, qu’« il n’est point normal d’avoir des relations avec un état colonisateur ». Et d’asséner: « Tourner le dos aux droits des Palestiniens relève de la haute trahison. »
« Par ailleurs, criminaliser la normalisation est une expression qui me rebute. Car le terme de la normalisation, introduit par les Sionistes, ne figurait pas dans nos dictionnaires avant les accords de Camp David ». Ainsi, assurait le locataire du palais de Carthage. Avant d’ajouter: « Bien entendu, mes propos concernent le Sionisme. Nous n’avons rien contre les Juifs. Ils vivent depuis longtemps parmi nous et ils sont protégés en tant que citoyens tunisiens jouissant des mêmes droits. »
Etat de droit, société de droit
Sur un autre sujet, le Président est revenu à la cuisine interne. Un sujet que les hommes politiques n’aiment pas de coutume évoquer à l’étranger. Et ce, pour insister sur la nécessité de passer de l’Etat de droit à celui de la société de droit.
« Il est tout à fait possible d’éradiquer la corruption en Tunisie à condition que la loi traduise la volonté du peuple; que les responsable assument leur responsabilité devant les électeurs. Et que le peuple souverain ait la capacité de résilier ce mandat ». Ainsi, assurait le Président; avant d’ajouter avec amertume: « La Tunisie jouit de toutes les ressources. Mais malheureusement, plus on ajoute des textes de loi, plus de voleurs on aura ».
La bourde de trop
Mais là où le bât blesse, c’est quand le Président fut interrogé sur le climat des affaires en Tunisie. Il a signalé, à juste titre, que la Tunisie avait certes besoin d’argent; mais surtout de justice sociale, d’un climat politique sain et de l’éradication de la corruption.
Jusqu’ici tout va bien. Sauf que l’invité de France 24 déclara sans détour que « Le climat politique est malsain et n’incite pas à l’investissement ». Ah bon.
On se frotte les yeux. Est-ce au président d’un pays, venu au sommet euro-africain pour justement solliciter plus d’investissements étrangers au profit d’une économie en loques et au bord du gouffre, de révéler le fond de ses pensées en public? A fortiori via une télévision étrangère?
D’abord la décence ne permet pas à un chef de l’Etat de laver le linge sale en dehors de son pays.
Ensuite, ce n’est pas le meilleur moyen d’attirer les investisseurs étrangers, frileux de nature. Surtout quand ils entendent de la bouche du Président en personne que le climat politique n’est pas propice à l’investissement. Alors même qu’une délégation vient de rentrer de Washington où elle était partie demander un prêt de plusieurs milliards de dinars.
Enfin, s’il voulait que personne ne prenne le risque d’investir dans notre pays, il ne se serait pas pris autrement.