Rien que pour changer : nous avons connu de longs épisodes de fuite en avant, avec les résultats que l’on connait, nous vivons maintenant une période de fuite en arrière.
Cela consiste à dire qu’on était mieux avant et que la bataille pour la survie fait rage pour savoir qui fera mieux dans le retour vers l’irrationnel, ou le surnaturel ou, plus souvent, le psychédélique. Mais comme tous les corps de métier, ou presque, s’y mettent, les excentricités et les lubies des uns et des autres n’attirent plus vraiment l’attention, d’autant que n’importe quel service peut soudain disparaître à plus ou moins de droit nécessairement bafoués et de revendications naturellement légitimes.
Ceci étant, toutes les variantes sont appelées à la rescousse. Le plus en vogue en ce moment est le motif appelé par très forte extension « la prime spécifique ».Le hasard des calendriers a fait que agents de propreté dans les municipalités, les médecins et les ingénieurs ont, chacun de son coté, demandé cette gratification dite « spécifique ».
Bien entendu, les spécificités ne sont pas identiques, mais la démarche reste la même. Dans l’intervalle, les villes peuvent bien ressembler à des poubelles, les voitures mouroirs peuvent continuer de circuler et même les « covidés » s’empresser de mourir. La prime spécifique passe avant.
Il faut dire à la décharge des revendicateurs actuels que d’autres corps de métiers ont déjà procédé de la même technique, forts de la même de la même rubrique, et ont obtenu gain de cause.
C’est ce qui s’appelle faire de la fuite en avant. Tout le monde s’ingénie à fuir, chacun à sa vitesse, quand les diplômés de toutes sortes fuient tout simplement à l’étranger.
Dans leur cas, on peut tout de même signaler qu’ils le font parce qu’ils n’ont ni salaire ni, justement, prime spécifique. Ils ne peuvent même pas faire la grève, dans l’exacte mesure ou ils sont comme on dit « hors champs », hors champs des urgences de l’Etat et hors champs des motivations des syndicats.
Certains vont même jusqu’à risquer leur vie sur des bateaux d’infortune ou, variante libre, grossir les rangs des brigades terroristes internationales. La fuite en avant aboutit ainsi à une fuite éperdue vers l’arrière.
Mais même en reculant, il arrive souvent que l’on se retrouve dos au mur. Les négociations en cours avec le FMInégociations en cours avec le FMI ressemblent à s’y méprendre à ce cas de figure.
Les bailleurs hypothétiques de fonds ont beau faire semblant de rassurer sur la volonté de soutien au pays, il n’en reste pas moins qu’ils restent des banquiers. Dans leur logique, l’argent doit rapporter avant de commencer à penser aux rétributions et aux « primes spécifiques ».
D’ailleurs, les négociateurs, du côté tunisien, vont avoir bien du mal à justifier les largesses de l’Etat tunisien au moment om les caisses sont désespérément vides.
On prête parfois aux pauvres, mais certainement pas pour les voir jeter l’argent par la fenêtre. Tout le monde comprend maintenant que la révolution tunisienne, et surtout le chaos qui l’a suivi, fut une opportunité tombée du ciel pour les magouilleurs de toutes sortes et les pratiques de corruption les plus criantes.
Il faut dire aussi que beaucoup de petits malins ont trouvé l’aubaine de prendre une revanche sur l’histoire et d’user des méthodes de l’ancien régime pour « pomper » les maigres ressources du pays.
Les têtes ont parfois, et encore, changé, mais les pratiques persistent. Il n’y a pas qu’à essayer de comprendre les « mécanismes » de la banqueroute annoncé de l’affaire de la BFT pour constater que ceux qui n’ont pas payé leurs créances sous Ben Ali continuent à prospérer dans l’après –révolution supposé antidote à leurs pratiques.
Au fait, juste un petit rappel. Les grévistes de la campagne de vaccination ont aussi argué du bien-fondé de leur action en disant que la campagne en question a été, de toute façon, un « fiasco », parole de connaisseur, en plus coresponsable du fiasco en question. La grève a donc servi, entre autres, à transformer la campagne de vaccination en fiasco total. L’autruche, au lieu de fuir, s’enfonce la tête dans le trou.