Lors de son dernier discours, le président de la République, Kais Saied a mis le doigt là où ça fait mal. Il accusait la direction de l’ARP de garder en sous-main les demandes de levée d’immunité parlementaire de certains députés corrompus. Pour s’en servir, le moment voulu, de monnaie d’échange. Diabolique.
Ce n’est pas un secret polichinelle. Certains dossiers relatifs à la levée de l’immunité de certains députés impliqués dans des affaires de justice croupissent dans les tiroirs du bureau de l’ARP. Par laxisme ou pour servir, en catimini, de moyens pour racketter les députés en question ?
Chantage
La réponse est tombée de la bouche du président de la République, Kais Saied, comme un couperet : « Il y a plus de 25 affaires de corruption, de contrebande, de drogue et d’autres qui trainent à l’ARP. Les personnes impliquées ne sont pas inquiétées. Elles sont là. Ces gens ne sont pas mieux lotis que le commun des citoyens ».
« S’il s’avère qu’il s’agit de raisons politiques, alors il n’est pas question de garder ces dossiers sous la main pour négocier avec. La justice doit suivre son cours ». Ainsi parlait le Président pour marquer son exaspération, lors de l’audience accordée mercredi 26 mai 2021, au chef du gouvernement, Hichem Mechichi et au le ministre de la Défense nationale, Brahim Barteji.
Selon le chef de l’Etat, « pas moins de 25 demandes de levées de l’immunité parlementaire sont parvenues à la présidence de l’ARP mais n’ont jamais été examinées en séance plénière comme l’exige le règlement intérieur ».
« En 1959, lors de la première Assemblée constituante, l’immunité a été levée d’un député pour son implication dans un accident de la circulation », rappelait judicieusement Kais Saïed. En établissant la parallèle avec des députés « ayant été pris récemment en flagrant délit et d’autres sont en fuite et pourtant aucune demande de levée de l’immunité parlementaire n’a été examinée en plénière par le Parlement ».
L’exemple le plus frappant est le cas de Rached Khiari. Lequel fait l’objet d’un mandat de dépôt émis par la justice militaire. Ce député est toujours en liberté. Protégé par son soi-disant immunité parlementaire.
Des députés au-dessus de la loi
« Pourquoi les demandes de levée de l’immunité parlementaire n’ont pas été transmises à la séance plénière du Parlement. Il y a des affaires de fraude, de trafic de stupéfiants et de contrebande mais elles ne sont pas activées. Les députés sont-ils traités autrement que les autres citoyens du fait qu’ils bénéficient de l’immunité » ? C’est écrié le Président.
L’accusation est grave. Car le Président soupçonne le palais du Bardo, et par ricochet le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, d’enterrer délibérément ces dossiers. Et ce afin de détenir une monnaie d’échange dans des négociations en sous-main avec les députés qui trainent ces casseroles.
Mauvaise fois
La réponse aux accusations présidentielles n’a pas traîné : « Kaïs Saïed avait été trompé lorsqu’il a parlé de 25 députés concernés par des demandes de levée d’immunité émanant de la justice ». C’est ce qu’affirmait l’assesseur du président du Parlement chargé de la communication, Maher Medhioub. Et ce lors d’un point de presse hier jeudi 27 mai 2021. Ajoutant sans rougir : « qu’après vérification auprès des structures administratives compétentes, le Parlement n’a reçu aucune demande officielle de levée de l’immunité de députés ».
Toutefois, révélait l’homme de main de Rached Ghannouchi, 17 demandes de levée d’immunité avaient été reçues par le Parlement au cours de la période parlementaire précédente. Elles ont suivi « le processus normal » en étant débattues à la Commission du règlement intérieur.
De quel « processus normal » parle-t-il ? Le règlement intérieur de l’ARP stipule expressément que les demandes de levée d’immunité parlementaire soient examinées en séance plénière et non dans les « chambres noires ». Et ce à l’instar de la Commission du règlement intérieur. Evidemment à la botte du gardien du temple bleu. Alors de qui se moque-t-on ?