Du jamais vu. L’un des dirigeants du parti islamiste Ennahdha, et non des moindres, dément publiquement son collègue. Lequel n’est autre que le chef du Conseil de la Choura. Cela fait désordre au sein d’un parti où l’omerta est la règle.
Classique double langage dont les dirigeants du mouvement Ennahdha sont coutumiers? Confrontation d’égos entre deux personnalités politiques de premier ordre et du même bord? Chiisme au sein du parti islamiste annonciateur de prochaines fissures dans les murs du temple bleu?
Accusations gravissimes du chef de la Choura d’Ennahdha
Dans tous les cas de figure, c’est la première fois que Noureddine Bhiri, l’ancien président du groupe d’Ennahdha à l’ARP et un proche parmi les proches du Cheikh, dément publiquement et d’une manière aussi sèche son collègue Abdelkarim Harouni, le chef du Conseil de la Choura, la plus haute instance dans l’organigramme du parti.
En effet, ce dernier connu pour avoir l’oreille de Rached Ghannouchi, a lancé une bombe lors de son passage sur les ondes de Mosaïque fm, le lundi 31 mai dernier. En affirmant que la présidence de la République a tenté d’entraver la dernière visite de Hichem Mechichi à Doha « comme c’était le cas pour le voisin libyen ». Ajoutant que la présidence de la République avait demandé aux responsables qataris de ne pas traiter avec la présidence du gouvernement tunisien. Rien que cela!
« L’attitude présidentielle part du principe que la politique étrangère est la chasse gardée du chef de l’Etat. Or cette conception est fausse en regard du régime politique en Tunisie. D’ailleurs, les conflits entre les deux têtes de l’Exécutif ne peuvent que ternir l’image de la Tunisie à l’étranger », soulignait-il à Midi Show.
« Le 16 mai, Hichem Mechichi allait rendre visite au Premier ministre libyen. Mais le président de la République décida le même jour de se rendre à Tripoli ». Le dirigeant nahdhaoui a également soutenu que le président de la République avait décidé sa visite en Libye quelques heures avant le départ de Hichem Mechichi. « Le président de la République a juste saboté la visite du chef du gouvernement et n’a fait que la retarder. Il est parti pour une visite de trois heures, sans qu’il n’y ait de résultats concrets. Pourtant, il a effectué une visite de trois jours en Egypte », poursuivait-il.
Ainsi, Kaïs Saïed aurait brûlé la politesse à son chef de gouvernement par une perfide manœuvre. Dixit Abdelkarim Harouni.
Démenti cinglant
Une journée plus tard, Noureddine Bhiri s’empressa de monter au créneau pour dénoncer, sans jamais citer le chef du conseil de la choura, ce genre d’allégation « dénuée de tout fondement ».
Fait étrange, il a même volé au secours de Kaïs Saïed, l’ennemi juré de son patron. « Rien ne justifie ces accusations visant le chef de l’Etat dont le rôle naturel consiste à servir les intérêts de l’Etat tunisien ». Ainsi martelait M. Bhiri au micro de Hatem Ben Amara dans l’émission Yaoum Saïd sur la Radio nationale. Sans résister au plaisir de pointer du doigt les médias coupables à ses yeux de chercher à attiser le feu entre la présidence de la République et le palais du Bardo.
Le bon et le méchant flic
Morale de l’histoire. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un jeu de partition orchestré au plus haut niveau du parti islamiste. Le chef du Conseil de la Choura ayant poussé le bouchon trop loin en accusant le président de la République de porter atteinte aux intérêts suprêmes de l’Etat, donc passible de haute trahison. Son collègue Noureddine Bhiri s’est empressé d’éteindre le feu, quitte à le démentir publiquement.