Lors d’une interview accordée hier jeudi au quotidien parisien Le Figaro, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, est longuement revenu sur certains sujets brûlants de l’actualité locale tunisienne; ainsi que sur les relations franco-tunisiennes. Extraits.
C’est devenu un passage obligé pour nos hommes politiques: s’adresser à la presse étrangère et ignorer superbement les médias nationaux. Ainsi, le président de la République accordait un entretien à France 24 lors de son séjour parisien. Idem pour le chef du gouvernement Hichem Mechichi qui s’entretenait avec le journal qatari Lusail News, alors qu’il était en visite à Doha. Et rebelote avec la quotidien parisien Le Figaro. Et ce, à l’occasion de la visite officielle de deux jours du Premier ministre français Jean Castex, à Tunis.
Ainsi, Le Figaro ouvrait ses pages à Hichem Mechichi, afin d’évoquer pêle-mêle divers sujets. Tels que: la problématique épineuse de l’immigration clandestine; la crise économique; et la situation pandémique dans le pays. Sans oublier l’interminable ‘guéguerre’ entre les deux têtes de l’Exécutif et celle qui oppose Carthage au Bardo.
Mechichi : les relations franco-tunisiennes sont « exceptionnelles »
Interrogé sur ses attentes sur la visite de son homologue français, Hichem Mechichi n’a pas tari d’éloges sur le « caractère exceptionnel » des relations franco-tunisiennes. « La France continue à considérer la Tunisie comme un partenaire de choix dans la région. La France est le premier investisseur en Tunisie et la première destination choisie par nos étudiants », a-t-il rappelé.
Avant d’ajouter que différentes conventions dans des domaines tels que l’enseignement, l’industrie et l’énergie allaient être signées. Tout en indiquant que la reconversion souhaitée par la Tunisie d’une partie de la dette envers la France, estimée à 831 millions d’euros en 2018, « était en cours de discussion ».
Immigration : pour un développement solidaire
Puis venait la question de savoir si la Tunisie était prête à bloquer les départs de migrants vers l’Europe en échange d’une aide économique. A cet égard, le chef du gouvernement a eu l’honnêteté d’avouer qu’arrêter le flux migratoire à partir des côtes tunisiennes ou d’Afrique du Nord, est « insuffisant, voire impossible ».
« La meilleure manière de les retenir chez eux, c’est de renforcer le partenariat avec les pays émetteurs. J’appelle cela le développement solidaire. Il faut qu’un candidat à l’immigration préfère rester chez lui. Je ne dis pas que la solution sécuritaire doit être oubliée, bien au contraire. Il faut préserver nos frontières et protéger ces personnes-là de la traite des êtres humains. Elles en sont les premières victimes », a-t-il affirmé.
Un cercle vicieux
Et qu’en est-il du prêt que le gouvernement tunisien négocie actuellement avec le FMI avec le risque de gonfler l’endettement qui a dépassé les 100 % du PIB ? « Il va falloir donner des alternatives. Nous ne pouvons pas continuer à observer cette dégringolade économique. Aller vers le FMI est une démarche rationnelle pour sortir la Tunisie de son marasme économique. Nous avons présenté au FMI un plan de relance bien préparé », répond-il, laconique.
La potion amère du FMI
En outre, il était prié de donner son sentiment sur les risques de troubles sociaux consécutifs à la suppression des subventions sur les produits de base; comme le pain, et le gel de la masse salariale. Ainsi, M. Mechichi argue qu’il « n’y aura pas de suppression des subventions; mais un meilleur ciblage en faveur des personnes qui méritent d’être aidées. Dans tous les pays du monde, les aides sociales vont aux personnes nécessiteuses ».
« Moi, je n’ai pas besoin que l’État subventionne mon pain. Le coût social sera plus important si le pays sombre dans la faillite. Ma responsabilité est de stopper cette chute. Je ne cherche pas la popularité et je n’appartiens à aucun parti, cela me donne une liberté pour décider ce qui est nécessaire pour le pays. Quand on est malade, on doit prendre le médicament, même si le sirop ne nous plaît pas ». Ainsi, soulignait-il avec vigueur. Quant à affirmer qu’il est un homme libre et qu’il n’appartient à aucun parti, l’argument est discutable. Tellement il a les mains liées par son alliance avec son « coussin politique » composé essentiellement du parti islamiste d’Ennahdha.
Situation épidémique « préoccupante » indique Hichem Mechichi
Par ailleurs, M. Mechichi était interpelé sur la lenteur de la vaccination et la situation épidémique en Tunisie. « La situation nous préoccupe. Je considère la vaccination comme la meilleure solution. C’est très difficile de continuer avec les mesures de confinement et autres qui ont un coût très cher. L’idée est d’augmenter le rythme des vaccinations. Nous avons tout mis en place en matière de logistique (centres dédiés, personnels…). Il reste le problème de la disponibilité des vaccins. Nous sommes en discussion avec l’OMS. Nous travaillons également avec des laboratoires pour effectuer les finitions des vaccins, comme l’emballage, ici pour la consommation locale puis l’export ». Ainsi, concluait le chef du gouvernement tunisien
Guerre ou guéguerre?
Enfin, interrogé par le journaliste du Figaro sur « la véritable guerre » que se livrent la présidence de la République, le Parlement et son propre cabinet, Hichem Mechichi a tenu à relativiser ce propos qu’il juge excessif. « Le terme « guerre » est un peu fort. C’est une situation assez particulière. Nous assistons à des premières. C’est propre à toutes les transitions démocratiques qui nécessitent un temps d’adaptation. Le gouvernement a reçu une large confiance du Parlement. Mais il y a des interprétations constitutionnelles diverses. Malgré cela nous assumons nos responsabilités. La première étant de sauver le pays. Toutes les institutions du pays doivent nous rejoindre dans cette démarche ». Ainsi, concluait M. Mechichi lors de cet entretien-fleuve.