Dans la crise multiforme sans précédent qui secoue notre pays, même si l’Etat était solide et ses serviteurs unis, solidaires et compétents, nous aurions toutes les difficultés du monde à nous en sortir. Que dire alors avec la caricature d’Etat et la désunion, l’incompétence et l’inimitié qui caractérisent ses responsables?
A voir le comportement hallucinant de ceux qui sont en charge de la gestion de la chose publique, les sentiments qui prévalent sont l’inquiétude, la consternation et la honte. Inquiétude face à la perspective d’effondrement imminent. Consternation d’être toujours gouvernés par une classe politique qui, depuis une décennie, continue en toute impunité à appauvrir le peuple, à vider le pays de son énergie et à le déposséder de ses ressources. Honte du statut de mendiants qui est désormais le nôtre. Oui, nous avons honte de la condescendance avec laquelle le monde nous observe. De la pitié que ressentent envers nous les pays frères et amis. Même la Libye, dont les réfugiés ont été généreusement accueillis par centaines de milliers en Tunisie pendant la longue guerre civile, nous promet aide et soutien sur un ton un brin condescendant!!!
Notre situation ressemble à cette famille réduite à la mendicité par un père volage, fantasque et futile qui a gaspillé toutes les ressources dans l’assouvissement de ses caprices les plus vils. Pour se maintenir en vie, les membres de cette famille se tournent obséquieusement vers les voisins, les suppliant de ne pas les abandonner à leur sort.
Force est de constater que le respect dont bénéficiait à une certaine époque la Tunisie de la part des voisins et des amis proches et lointains s’est progressivement transformé en condescendance. En mépris même.
La voie honteuse de la mendicité
Comment peut-il en être autrement quand, au lieu d’appliquer les lois, de remettre le pays au travail et de poursuivre les voleurs, les prédateurs et les corrompus, l’Etat tunisien a choisi la voie la plus honteuse, celle de la mendicité? Pire encore, les serviteurs de l’Etat ou de ce qui en reste se sont engagés dans cette voie honteuse en cavalier seul. Se court-circuitant, se jetant des peaux de banane et entravant les efforts les uns des autres.
De quelle crédibilité un pays peut-il se prévaloir en parlant en même temps de trois voix discordantes et dissonantes, comme c’est le cas en Tunisie? Que pense de nous le Qatar qui, en l’espace de quelques semaines, reçoit tour à tour les trois plus hauts responsables de l’Etat tunisien; chacun avec ses demandes, ses sollicitations et ses doléances? Quelle idée se fait de nous la France quand le président de la République et le chef du gouvernement s’y rendent chacun de son côté, sans coordination des dossiers ni harmonisation des positions? Quelle image, quelle réputation peut encore afficher la Tunisie dans le monde quand son président élu en visite en France mettait en garde opérateurs économiques et investisseurs contre « les conditions peu propices à l’investissement » dans son propre pays où « sévissent les voleurs et les corrompus »?!
Montesquieu avait raison
C’est un fait que les voleurs, les corrompus, les contrebandiers et les criminels sévissent, bénéficiant de l’impunité. C’est-à-dire de la protection de ceux-là même qui sont censés protéger le pays de leur prédation.
Il est en effet hallucinant de voir des criminels continuer à sévir en toute liberté. Et, dans le même temps, de pauvres citoyens lourdement condamnés pour des broutilles. Il est désespérant de voir son pays agoniser sans la moindre petite lumière au bout du tunnel.
Qui va nous sortir de l’interminable tunnel? Certainement pas le président de la République qui, tel un disque rayé, répète ad nauseam la même rengaine sans penser à prendre la moindre décision ni la moindre initiative de nature à oxygéner un tant soit peu un pays en état d’asphyxie.
Certainement pas le président du parlement qui a transformé la principale institution constitutionnelle en annexe de son parti islamiste. Et certainement pas le chef du gouvernement pour qui les compromissions sont le meilleur moyen de garder son poste. Un trio qui a au moins en commun la haine que les trois principaux acteurs se vouent mutuellement et leur indifférence au sort du pays et de ses habitants.
Mais leur indifférence est-elle plus grave que celle que manifeste le peuple vis-à-vis de son sort de plus en plus misérable; et face à l’effondrement de plus en plus certain de son pays? Montesquieu avait bien raison. Les peuples ont les gouvernants qu’ils méritent.