La région du Maghreb Arabe, constituée par l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie, la Libye et la Tunisie est en grande partie arides et semi-arides. Ces pays présentent de grandes similarités climatiques, hydrologiques, culturelles et sociales.
Le secteur agricole représente plus du 10% du PIB. Il contribue à la sécurité alimentaire. L’agriculture dépend en majeure partie des apports pluviométriques et de la disponibilité des ressources en eau mobilisées pour des usages domestiques, agricoles, industriels et environnementaux. La région fait face à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents qui revêtent désormais un caractère structurel et récurrent et non plus conjoncturel et passager.
Une sécurité alimentaire fragilisée
La région du Maghreb subit des sécheresses météorologiques s’exprimant par un déficit par rapport aux précipitations moyennes. Les observations pluviométriques sur les 90 dernières années indiquent des épisodes de déficit pluviométrique de plus en plus intenses, longs et fréquents ces 20 dernières années conférant un caractère structurel à cette sécheresse.
La sécheresse hydrologique, se traduit par un déficit des apports des courts d’eau et des réservoirs souterrains par rapport à une moyenne de 30 années. Les observations des apports dans quelques barrages au Maghreb, indiquent des déficits de 10 à 45% sur des durées de plus en plus longues et plus fréquentes témoignant du caractère structurel de la sécheresse hydrologique.
La sécheresse agricole induite par la sécheresse météorologique est représentée par un déficit en production agricole par rapport à la moyenne interannuelle. Dans la région du Maghreb, les céréales conduites en pluvial sont les plus exposés à la sécheresse. En même temps, les céréales, ont une place stratégique dans l’économie et la sécurité alimentaire des pays.
Les observations sur la production céréalière, dans les pays du Maghreb, indiquent une forte corrélation entre la production des céréales et l’indice de déficit pluviométrique des mois cruciaux de croissance (décembre-mars).
La sécheresse agricole fragilise la sécurité alimentaire et la préservation du cheptel, et peux générer des conflits, lorsque la compétition sur les ressources naturelles s’installe. La sécheresse survenue en 2015-2016 au Maghreb a affecté tous ces pays. Elle a engendré une baisse importante de la production céréalière.
Cinq pays touchés
La sécheresse de 2015-2016 a engendré en Tunisie une baisse de la production céréalière, et donc une augmentation des importations de près de 30% (FAOSTAT, 2020). Les dommages financiers chez l’agriculteur ont atteint 50% et une inflation de 100% est constatée sur le marché des fourrages (BM, 2017).
De même au Maroc, la sécheresse 2015-2016 a entraîné une baisse de près de 3 points dans la croissance économique nationale (BM, 2017).
En Mauritanie, les productions du riz sont passées de 293.000 tonnes en 2014 à 219.000 Tonnes en 2016, avec une réduction de la superficie récoltée de près de 14.000Ha (FAOSTAT, 2020).
En Algérie, les mêmes effets de la sécheresse ont été observés. Ainsi, en 2015, les importations céréalières ont augmenté de 14% pour renforcer la disponibilité intérieure des stocks céréaliers (FAOSTAT, 2020).
S’agissant de la Libye, les rendements en sec de l’orge varient entre des extrêmes de 1,9 à 5.22 quintaux/Ha selon les occurrences de sécheresse jusqu’en 1990, année à partir de laquelle le rendement est stabilisé entre 4.77 et 5.47 quintaux/ Ha grâce aux apports par irrigation.
Rareté chronique en eau
Avec une moyenne de 854m3/habitant/an (Aquastat 2017), les pays de la région du Maghreb sont en situation de rareté chronique en eau. Il existe une grande variabilité spatiale de la pluviométrie entre les zones côtières méditerranéennes pluvieuses (1600mm/an) et les zones arides sahariennes (moins de 50mm/an).
L’incertitude sur l’occurrence des évènements secs et humides, en plus de la rareté de la ressource eau qui se fait ressentir, entre autres, par la perte des terres arables et des zones de parcours place leur gestion au centre des priorités des pays de l’UMA.
Il s’agit d‘une part de réagir aux événements de sécheresse par différents moyens en particulier par l’alerte précoce et la gestion proactive, et d’autre part d’améliorer l’efficience et la productivité de l’eau et des terres, dans un objectif de renforcement de la résilience à la sécheresse.
La survenue de la pandémie du COVID-19 en 2020 mais aussi des conflits a démontré combien les pays peuvent être fragilisés lorsqu’ils sont confrontés à des évènements dramatiques, qui exacerbent les impacts négatifs sur les populations et les écosystèmes, déjà affectées par la sécheresse.
Faire face aux incidences
A cela s’ajoutent les changements climatiques dont les effets sur les pays du Maghreb sont significatifs avec de nouvelles tendances probables dans les régimes des pluies, les régimes des écoulements, les régimes de recharge des nappes et de nouveaux défis de gestion, d’usage des ressources en eaux et des terres et de satisfaction des demandes en eau.
Le renforcement de la résilience à la sécheresse est une des clés pour faire face à ces incidences. Une vision maghrébine commune et une politique régionale de gestion de la sécheresse comportent des opportunités à la consolidation des actions des pays et la mutualisation des efforts pour une meilleure efficacité.
De même, les Nations Unies ont mis en place des cadres d’intervention pour faire face à la sécheresse tels que le HMNDP (The High Level Meeting of National Drought Policy) a réuni les agences des Nations Unies en mars 2013. Objectif : soutenir les pays et les régions dans le développement de plan nationaux et régionaux de gestion des sécheresses et répondre ainsi aux Objectifs de Développement Durable.
La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse est célébrée le 17 juin depuis 1992. Elle est l’occasion de rappeler les dangers de la désertification et de la sécheresse sur l’environnement et l’économie.
En 2021, le thème retenu pour l’édition 2021 est la « Restauration des Terres Reprise, des terres saines pour reconstruire en mieux » pour impulser un relèvement plus écologique dans le contexte de la pandémie du Covid-19.
Les Nations unies ont également proclamé la décennie 2021-2030 « Décennie pour la restauration des écosystèmes ». L’objectif étant d’appuyer et intensifier les efforts visant à éviter, enrayer et inverser la dégradation des écosystèmes dans le monde.
FAO : accroître la résilience des systèmes agricoles et alimentaires
La FAO a développé diverses initiatives pour contribuer à réduire la vulnérabilité des populations face aux événements et conditions naturelles. L’Initiative régionale sur la rareté de l’eau est développée depuis 2013 dans la région du Moyen Orient et d’Afrique du Nord, reconnaissant que les menaces de sécheresse et les crises ont des échelles climatiques régionales.
La FAO vise ainsi à accroître la résilience des systèmes agricoles et alimentaires, en renforçant leurs capacités à anticiper les risques et aléas climatiques, y compris la sécheresse, pour absorber l’impact des stress.
De même, l’initiative main dans la main HIH «Hand in Hand» de la FAO met l’accent sur la réalisation des ODDs (Objectifs de Développement Durable), en favorisant la coopération entre les pays développés et ceux en développement, en étroite coordination avec les banques de développement multilatérales et d’autres agences des Nations Unies.
Cette initiative souligne l’importance de la contribution technologique dans la gestion des risques, la réduction de la vulnérabilité et une planification proactive pour renforcer la résilience.
Les pays du Maghreb ont développé une expérience riche, des institutions spécialisées et des capacités humaines importantes ainsi que des mesures de réponse à la sécheresse à travers de gros investissements sur les ouvrages et infrastructures hydrauliques.
« La FAO a développé diverses initiatives pour contribuer à réduire la vulnérabilité des populations face aux événements et conditions naturelles »
On peut citer la politique de construction de grands barrages et des périmètres irrigués, un réseau de transfert d’eau entre bassins, la mobilisation des eaux souterraines profondes ou récemment le développement des eaux non conventionnelles (dessalement, eaux usées traitées).
Les pays du Maghreb constituent un contexte approprié pour l’exemple régional de sécheresse à promouvoir: Prévision, Alerte Précoce, Préparation et Réponse: Action Proactive.
La FAO, en partenariat avec l’UMA, a élaboré un document de vision maghrébine pour la résilience à la sécheresse et un programme d’actions qui vise à mobiliser les moyens pour l’adaptation et la réduction des effets des sécheresses exacerbées par les changements climatiques.
La vision régionale au Maghreb relève d’une démarche proactive et partagée pour faire face à la sécheresse et aux changements climatiques, et pour renforcer la résilience des populations.
Les piliers de cette vision sont :
- L’adaptation à une sécheresse structurelle: Des actions continues sont inscrites dans les plans sectoriels des pays;
- La prévision et l’alerte précoce pour une approche plus proactive et production d’indicateurs de sécheresse régionalisés;
- Le suivi et l’évaluation des impacts de la sécheresse et de l’état de la vulnérabilité des populations et des ressources naturelles;
- La préparation et la réponse à apporter pour renforcer la résilience à la sécheresse.