Les sommets russo-américains se suivent et se ressemblent. Ce sont des sommets qui ont toujours suscité l’intérêt de la Communauté internationale. Le dernier de ces sommets qui a eu lieu le 16 juin à Genève entre le président américain Joseph Biden et le président russe Vladimir Poutine n’a pas dérogé à la règle en termes de médiatisation. Mais il n’a pas dérogé à la règle aussi en termes des traditionnels tiraillements qui ont toujours marqué les relations entretenues par Washington et Moscou.
Il faut dire que les relations entre les deux hommes sont loin d’être empreintes de cordialité. Comment peuvent-elles l’être quand, quelques semaines avant le sommet, le président américain n’a pas hésité à qualifier son homologue russe de « tueur » ? Mais cet abus de langage n’est rien en fait par rapport aux très lourds dossiers qui, de l’Ukraine aux « droits de l’Homme », en passant par l’encerclement de la Russie par les forces de l’Otan, empoisonnent les relations russo-américaines.
Le sommet n’a pas duré plus de quatre heures, trop peu au vu de l’importance des dossiers au menu de la rencontre genevoise. Un autre signe qui montre que le courant n’est pas passé entre les deux hommes: à l’issue du sommet, chacun est allé de son côté tenir sa propre conférence de presse. Une issue qui contraste fortement avec la conférence de presse commune tenue cordialement par le président russe Vladimir Poutine et Donald Trump à l’issue du sommet de 2018 à Helsinki, la capitale finlandaise.
Accusations tous azimuts
En fait, à l’exception du sommet Trump-Poutine de 2018, pratiquement tous les autres sommets depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à ce jour s’inscrivent dans le cadre d’un scénario immuable. Une « force de bien » (l’Amérique) s’efforce de contenir une « force du mal » (hier l’URSS et aujourd’hui la Russie); et ce, non seulement pour le bien des Etats-Unis, mais aussi pour celui du monde.
Invariablement, l’URSS hier et la Russie aujourd’hui sont accusées de tous les maux possibles et imaginables : expansionnisme, violation systématique des droits de l’Homme, menace persistante pour la paix et la sécurité mondiales. En un mot, c’est « l’ange américain » qui, depuis sept ou huit décennies s’emploie à protéger la planète et l’humanité contre les méfaits du « démon russe ».
La réalité est tout autre évidemment. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le principal souci de l’Amérique et l’essentiel de sa stratégie et de son énergie ont été orientés vers la destruction de l’URSS. Mission accomplie grâce au financement et à l’armement de nombreuses forces terroristes en Afghanistan. Il faut dire que la nomenklatura soviétique a aidé involontairement au succès de la stratégie américaine par ses piètres performances économiques.
Après l’effondrement de l’URSS, les stratèges américains n’ont rien trouvé de mieux à faire que de s’investir dans le pillage économique de la Russie. Ils ont soutenu les vautours lancés vers le dépeçage des grandes compagnies d’Etat. Ils ont manipulé le clown Boris Eltsine dans le but de faire de la Russie une république bananière qui reçoit ses ordres de Washington et ils ont réussi à mettre la Russie post-soviétique à genoux jusqu’à l’arrivée d’un sauveur appelé Vladimir Poutine.
Haine irrationnelle
Il faut dire que la haine irrationnelle que nourrit la classe politique américaine envers Poutine, à l’exception notable de Donald Trump, s’explique par sa détermination à défendre les intérêts de son pays et son succès à faire échouer les plans de mainmise américaine sur la Russie. Ni plus ni moins.
Poutine a réussi à sauver son pays et à l’immuniser contre les plans machiavéliques made in USA. Mais il n’a rien pu faire contre l’encerclement de la Russie par les forces de l’OTAN. La seule action réussie à ce niveau fut la récupération de la Crimée dans le giron de la Russie en réaction au coup d’état en Ukraine fomenté par Washington. Une réaction qui a accru démesurément la haine que nourrit envers lui la classe politique washingtonienne.
Evidemment la propagande russophobe relayée par les médias américains a pour chevaux de bataille les classiques « démocratie » et « droits de l’Homme ». Et Poutine est décrit tour à tour comme « Hitler », « tueur », « violateur des libertés », « dictateur qui s’accroche au pouvoir » etc.
Tout le monde sait que chaque fois que les Etats-Unis parlent de démocratie et de droit de l’Homme, des désastres sont à redouter. Demandez ce qu’en pensent les Irakiens, les Libyens et les Syriens?
Les droits de l’Homme sont-ils dans un meilleur état aux Etats-Unis qu’en Russie ? Quand on voit les violences policières systématiques et quotidiennes contre les minorités noire et hispanique, il est permis d’en douter.
Une question légitime
Et la démocratie est-elle dans un meilleur état aux Etats-Unis qu’en Russie ? Quand le président américain Joseph Biden a commencé sa carrière de sénateur, Vladimir Poutine était encore un étudiant de 20 ans. Cela fait plus d’un demi-siècle que celui-là est présent dans l’establishment washingtonien et contribue à l’élaboration de la politique américaine et à la mise en œuvre des décisions. Pourtant, l’une des principales critiques que Biden adresse à son homologue est sa « longévité au pouvoir ».
Il est vrai que le président russe est au pouvoir depuis 17 ans. S’il a été élu et réélu, c’est parce que la majorité du peuple russe lui est fortement reconnaissante d’avoir sauvé la Russie des griffes du prédateur américain.
Et la démocratie en Amérique (dont Tocqueville a fait un peu trop passionnément l’éloge dans un livre aussi célèbre que volumineux) ?
Bon, n’allons pas jusqu’à cautionner le jugement de Noam Chomsky à cet égard. Le plus grand intellectuel américain vivant a qualifié les partis démocrate et républicain comme les « deux plus grandes organisations terroristes du monde ».
C’est peut-être un peu exagéré. Mais une question légitime doit être posée: depuis sa naissance, la démocratie américaine signifie-t-elle autre chose de plus qu’une routinière alternance au pouvoir entre blanc bonnet et bonnet blanc ?