L’ancien dirigeant nahdhaoui, Lotfi Zitoun, joue les bons offices pour pousser à la rencontre entre le Président de la République, Kaïs Saïed et le président de l’ARP, Rached Ghannouchi. Réussira-t-il à rapprocher les deux ennemis irréductibles là où d’autres médiateurs ont lamentablement échoué ?
Alors que des millions de téléspectateurs assistent, effrayés, à l’agonie lente de nos concitoyens touchés par la Covid et dont certains dorment dans les couloirs des hôpitaux délabrés de Kairouan, de Béja et d’ailleurs. Alors que devant une situation sanitaire exceptionnelle, le Conseil national de sécurité devait se réunir en urgence. Savez-vous pourquoi le président de la République, Kaïs Saïed traine le pas pour convoquer le dit-Conseil ? Parce qu’il rechigne à s’assoir autour de la même table que Rached Ghannouchi. Lequel, en sa qualité de président de l’ARP en est un membre permanent. C’est dire le degré d’animosité qui règne chez les deux hommes et qui rend leurs relations si exécrables, voire épidermiques. Et qui a sans doute poussé Lotfi Zitoun à proposer sa médiation.
Les bons offices de Zitoun
Et c’est dans ce contexte que l’ex-ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Lotfi Zitoun, réputé être très proche du leader historique d’Ennahdha, bien qu’il ait claqué avec fracas les portes de son parti, est intervenu pour proposer ses bons offices. Afin de rapprocher les deux hommes que tout sépare.
En effet, bien qu’il n’ait jamais totalement coupé le cordon ombilical avec le parti islamiste, il avait démissionné du conseil de la Choura au mois de novembre dernier. Ainsi, l’enfant terrible d’Ennahdha connu pour la finesse de ses analyses politiques et l’audace de ses positions même vis-à-vis de son ancien mentor, s’est réuni hier mardi au palais du Bardo avec le maître des lieux.
Des signes d’apaisement ?
Dans un post publié hier sur sa page officielle, le président de l’ARP et du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, estime que « le dialogue est la meilleure des solutions ». Ajoutant avoir eu une rencontre avec Lotfi Zitoun, « à la demande de ce dernier ».
Comment interpréter cette mystérieuse phrase ? Que le cheikh de Montplaisir tient à souligner qu’il n’était pas à l’origine de cette initiative, amour propre oblige. Surtout, qu’il n’était pas de mèche avec Lotfi Zitoun pour déclencher le processus du rapprochement avec le locataire du palais de Carthage.
D’ailleurs, en signe d’apaisement et pour ne pas brûler la politesse au Président, le cheikh a décidé le report de la diffusion de l’interview qu’il devait accorder à la chaîne de télévision, Hannibal TV. Laquelle était initialement programmée pour la soirée du mardi 22 juin 2021. Où, il devait, murmure-t-on, annoncer une importante initiative pour l’ouverture du Dialogue national.
A savoir que cette rencontre arrive à peine 24h après l’audience accordée par le président de la République, Kaïs Saïed, à l’ancien dirigeant nahdhaoui. Ainsi, celui-ci lui aurait proposé une rencontre avec le président du Parlement. Et ce, afin de débattre de l’actuelle crise politico-constitutionnelle. De même que de la situation sanitaire désastreuse qui secoue notre pays.
Suite à cette rencontre, la présidence de la République a indiqué dans un communiqué que la rencontre a permis de traiter de la situation générale dans le pays. Et d’évoquer plusieurs volets d’ordre politique, social et légal.
Kaïs Saïed a rappelé, à l’occasion, « qu’afin que le dialogue soit réellement national, il est indispensable que des représentants des jeunes de tout le pays y prennent part ». Une réponse vague, poussiéreuse et insipide inspirée des publications de la Pravda de l’ère soviétique. Les communicants de la présidence de la République ont un besoin urgent de recyclage pour se mettre à l’air du temps.
Mea-culpa ?
Toutefois, « cette rencontre a été l’occasion de lever certaines ambiguïtés. Et de souligner, notamment, que le président de la République n’est pas là pour attester du patriotisme des personnes ou de leur non patriotisme ». C’est ce que note le communiqué.
Le Président fait-il allusion à la déplorable bourde qu’il avait récemment commise en soutenant que le Dialogue national chapeauté par le Quartet en 2013 et couronné par le prix Nobel de la Paix « n’avait rien d’un dialogue et n’était absolument pas national » ?
En faisant un discret mea-culpa, le Président a peut-être réalisé qu’on ne gouverne pas un pays avec des déclarations à l’emporte-pièce. Halte à l’amateurisme en politique, place à davantage de sérénité.