Rien n’a filtré du contenu de l’audience accordée hier jeudi par le président de la République, Kaïs Saïed au Président de l’ARP, Rached Ghannouchi. Comme si ce qui se passe à Carthage, entre les deux Présidences, ne concernait pas les Tunisiens. Aussi, sommes-nous contraints de jouer aux devinettes. Lamentable.
Que savons-nous au juste du contenu des entretiens qui avaient lieu hier jeudi 24 juin au palais de Carthage entre le maître des lieux, Kaïs Saïed et son invité le président de l’ARP, Rached Ghannouchi?
Informations au compte-gouttes
Rien de consistant à se mettre sous la dent. Sauf un laconique communiqué émanant le jour même de la présidence de la République. « Le président de la République a rencontré jeudi, Rached Ghannouchi, à l’occasion de la cérémonie marquant la célébration du 65ème anniversaire de la création de l’Armée nationale ». Ainsi peut-on lire.
Plus généreux, le dirigeant nahdhaoui, Fethi Ayadi, voulait bien éclairer nos lanternes. En précisant que la rencontre fut, à la fois, « prolongée et positive ».
En attendant des précisions sur le contenu de cette audience, il convient de souligner ce qui suit.
Mépris
Primo: étant donné qu’il ne s’agit pas d’une entrevue privée mais d’une rencontre officielle entre les plus hautes institutions de l’Etat à l’occasion hautement symbolique de la célébration du 65ème anniversaire de la création de l’Armée nationale; il est de notre droit d’être éclairés sur le contenu de l’audience accordée par le Président à son hôte, ainsi que sur les sujets abordés.
Le black-out imposé par la présidence de la République découle donc d’une faute grave de communication et représente une forme de mépris de l’opinion publique. Et ce, dans un contexte sanitaire des plus dangereux. Au milieu, d’une situation socioéconomique extrêmement difficile aggravée par un conflit politico-constitutionnel entre les deux têtes de l’Exécutif.
Changement de décor
Secundo: d’habitude, les téléspectateurs ont droit au scénario classique du Président, qui, solennel, s’adresse à ses interlocuteurs; sans que ces derniers n’aient le droit de s’exprimer. Cette fois-ci, cette humiliante attitude présidentielle n’a pas eu lieu. On voyait même les deux hommes discuter courtoisement. Rached Ghannouchi aurait-il préalablement refusé de jouer le rôle de l’élève face à un maître sourcilleux?
Pourquoi pas une réunion tripartite ?
Tertio: pourquoi le chef du gouvernement Hichem Mechichi qui était présent à la cérémonie n’a-t-il pas été convié à se joindre à la rencontre? De même, puisqu’il est évident que Saïed et Ghannouchi ont évoqué le dossier du dialogue national qui traine en longueur; pourquoi ne pas avoir invité le SG de l’UGTT, Noureddine Tabboubi?
La médiation de Lotfi Zitoun: une manœuvre?
Quarto: il semble évident que la médiation entreprise par une personnalité consensuelle, en l’occurrence Lotfi Zitoun, vient de réussir; là où d’autres ont lamentablement échoué. Puisque les deux hommes, qui ne cachent pas leur hostilité l’un envers l’autre et dont les relations sont froides et distantes, finissent par s’asseoir autour de la même table.
A savoir que le SG adjoint de la centrale syndicale, Sami Tahri, a qualifié, hier jeudi sur les ondes de Shems FM, la médiation entreprise par Lotfi Zitoun pour rétablir la communication entre le président de la République et le président du Parlement de « manœuvres dont l’objectif est de perturber le déroulement de l’initiative présentée par l’Union générale tunisienne du travail ».
Reste à savoir si la rencontre de Carthage entre les deux présidences marquait un réchauffement des relations futures entre les deux hommes que tout sépare; ou une simple visite de courtoisie sans suite. L’avenir nous le dira.