La campagne de lutte contre le coronavirus donne l’impression d’avoir du plomb dans l’aile. Et il est vrai que le gouvernement n’a pas toujours réussi à bien gérer une crise à laquelle le système de la santé publique, qui prend l’eau depuis des années, n’a pas pu faire vraiment face. Cependant, on ne peut nier que ce sont l’insouciance et l’indiscipline du Tunisien qui ont assurément fait le reste. Ainsi des défaillances apparaissent au grand jour.
Les Tunisiens assistent depuis quelques jours à une accélération de la pandémie de Covid-19. Les chiffres du ministère de la Santé font froid dans le dos d’une population qui craint du reste le pire. Avec notamment une quatrième vague de ses variants venus d’ailleurs. Et des taux de contamination de 400 cas pour 100 mille habitants. Alors qui sont les responsables de ces défaillances?
La situation a montré les limites de l’action des pouvoirs publics qui sont assurément dans l’incapacité de gérer une crise sanitaire. Tout en comptant pour beaucoup sur l’aide étrangère, ainsi que sur la mobilisation de la société civile.
Les échos qui parviennent de certaines régions font état, à ce propos, d’un manque flagrant d’outils pour combattre la pandémie. On évoque même jusqu’aux besoins en seringues et thermomètres dans certains établissements de la santé publique. Comme on parle des désordres au niveau de la prise en charge des personnes décédées, pour des enterrements de nuit.
Nous sommes évidemment, ici, bien loin de ce que nous promet la Constitution de 2014, la « meilleure constitution au monde », nous a-t-on répété. Et ce, quant à la « sacralité du droit à la vie » (Art. 22) et à « la garantie » assurée par l’Etat en matière de « prévention et des soins de santé à tout citoyen »; et « des moyens nécessaires à la sécurité et à la qualité des services de santé » (Art. 38).
Gouverner c’est prévoir
Nous sommes devant des promesses qui ne se vérifient pas sur le terrain. Les chiffres montrent, à ce propos, un réel désengagement de l’Etat tunisien en matière de dépenses de santé. Ainsi, la Tunisie a consacré les dix dernières années environ 5,3% des dépenses publiques à la santé. Alors que la recommandation faite par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la Déclaration d’Abuja (Nigéria) de 2001 est de consacrer un minimum de 15%.
Le coronavirus est du reste venu montrer, comme pour d’autres secteurs de la vie nationale, les défaillances de notre système de santé. Des chiffres montrent là aussi un recul du secteur public de santé. Ainsi, le secteur privé est en passe de devenir le principal pourvoyeur de certains services médicaux comme les scanners et autres IRM (60% des IRM sont dans des cliniques privées). Et 42% du matériel médical étaient défectueux en 2017, selon la Cour des comptes.
Et lorsqu’on ajoute à cet état de fait d’autres facteurs, nous sommes souvent face à un véritable, pour ainsi dire, cocktail Molotov qui incendie tout sur son passage. Avec au premier rang l’incapacité du gouvernement à gérer une crise sanitaire pour laquelle il n’a pas mobilisé des outils de bonne gestion.
Gouverner c’est prévoir, dit une maxime attribuée tantôt à Emile de Girardin, tantôt à Adolphe Thiers. Le premier est journaliste et le second est un homme politique; tous deux Français. Les faits sont là pour attester que le gouvernement, notamment celui de Hichem Mechichi, n’a pas réussi sur ce terrain.
Une coordination de tous les instants
La crise politique, qui persiste depuis des mois, est-elle pour quelque chose dans cet état de fait? Incontestable. La crise est d’une telle ampleur qu’elle nécessite que les trois palais (Carthage, La Kasbah et Le Bardo) soient sur la même longueur d’onde. Ce qui n’a pas été toujours le cas. Les derniers mois n’ont apporté que des chamailleries qui ne pouvaient laisser la place à une coordination de tous les instants.
Sans oublier que cette crise ne pouvait mobiliser les acteurs publics du pays. Face à une pandémie que les structures sanitaires n’ont pas toujours les moyens de combattre. Loin s’en faut!
Terrassé par un manque évident de moyens, toujours habité par des urgences budgétaires, l’Etat n’a pas toujours eu la possibilité de parer au plus pressé en matière d’acquisition de vaccins. Offrant donc l’impression de pratiquer une politique de la main tendue!
En effet, la Tunisie est bien retard par rapport à de nombreux pays de la région. Le Maroc (janvier 2021) et l’Algérie (février 2021) ont reçu leurs premières doses bien avant la Tunisie (mars 2021).
Et en la matière, les dysfonctionnements et les défaillances d’une administration qui souffre le martyr d’une nonchalance et d’un laisser-aller qui se sont accélérés avec la Révolution du 14 janvier 2011 ont aidé à brouiller le ciel de la vaccination. Il y a quelques jours, le président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a provoqué le courroux de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT). Car, il affirmait que le fonctionnaire tunisien ne travaillait que pendant seulement 15 minutes par jour.
1.636.555 personnes vaccinées au 22 juin 2021
Les prévisions du gouvernement n’ont pas été, le moins que l’on puisse dire, au rendez-vous en matière de vaccination. Puisque le ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, annonçait en mars 2021, que « plus de trois millions de Tunisiens seront vaccinés avant la fin du mois de juin prochain ». Force est de constater que cette promesse ne pourra pas être honorée.
D’ailleurs, le nombre total de personnes ayant été vaccinées depuis le début de la campagne nationale de vaccination, « a atteint 1.636.555 dont 26.904 personnes pour la journée de mardi 22 juin ». C’est ce qu’annonçait, le mercredi 23 juin, le ministère de la Santé.
Relevons, à ce niveau, que le chef du gouvernement avait constaté, le 2 juin 2021, lors d’une visite à un centre de vaccination à Tunis, que tout n’allait pas pour le mieux. Estimant que « la gestion des rendez-vous et de la prise en charge dans les centres ne sont pas au niveau requis ». Notant ainsi encore des défaillances.
L’insouciance et l’indiscipline ont assurément fait le reste. Comme à l’occasion de l’organisation de ces mariages et autres manifestations de la vie collective, diffusés sur les réseaux sociaux. Et au cours desquels certains ont donné libre court à cette volonté de ne pas se soumettre à des règles de comportement strictes.
L’Etat, qui n’est plus ce qu’il est, est-il pour quelque chose dans cette affaire? Sans doute. N’a-t-on pas reproché aux services publics de ne pas avoir été fermes à l’égard des empêcheurs de tourner en rond? Comme à l’occasion du refus de la fermeture de commerces pendant le mois du Ramadan.
Restons à ce stade pour dire que les deux premiers responsables de l’exécutif, le président de la République et le chef du gouvernement, devaient sans doute s’engager un peu plus dans la bataille en s’adressant un peu plus que d’habitude directement au peuple. Il est encore d’ailleurs temps de le faire et de remédier à certaines défaillances.