Il porte bien son nom le ‘Chauvin’. Oui, le flic Derek Chauvin qui a tué le 25 mai 2020 par étouffement gratuitement et sans rime ni raison un homme de 45 ans, l’Afro-Américain George Floyd. Pendant près de dix minutes, Chauvin a maintenu son genou fortement pressé sur le cou de Floyd. La cour, qui a jugé vendredi 25 juin le meurtrier, a compté le nombre des supplications pathétiques adressées par la victime à Chauvin. 20 fois Floyd a répété d’une voix de plus en plus faible et de moins en moins audible: « I can’t breathe » (je ne peux pas respirer).
Pas une fois, le flic assassin n’a été ému par l’agonie de Floyd au bord de l’asphyxie qui appelait sa mère à l’aide (« Mama, I can’t breathe »). Pas une fois Chauvin ne s’est demandé pourquoi tuer un homme qui ne lui a rien fait et qui ne représente aucun danger pour l’ordre public?
La scène de ce meurtre terrifiant par asphyxie a choqué non seulement l’Amérique, mais le monde. Elle a terni encore plus l’image d’un pays dont les flics tuent à bout portant une moyenne de 1000 personnes par an, noires en majorité. Elle a provoqué des émeutes en Amérique et des manifestations de soutien un peu partout dans le monde.
Le vendredi 25 juin des milliers d’Américains étaient devant le tribunal. Ils attendaient le verdict. A l’annonce du jugement, le sentiment dominant était le soulagement. Pour la première fois dans les annales judiciaires du Minnesota, un flic est condamné à 22 ans et demi de prison pour le meurtre d’un citoyen.
270 mois de prison
« Le tribunal vous condamne à la détention pour une période de 270 mois, soit dix ans de plus que la peine prévue par le barème du Minnesota ». C’est ce que déclarait le juge Peter Cahill, 13 mois jour pour jour après la mort de George Floyd à Minneapolis. Le juge a ajouté: « Ma décision n’est pas basée sur l’émotion ou la sympathie. Elle n’est pas basée non plus sur l’opinion publique. Je ne cherche pas à envoyer un message. »
Qu’est ce qui a alors motivé la décision du juge pour condamner Chauvin à dix ans de plus que ne prévoient les lois du Minnesota? Il a cité deux « facteurs aggravants » qui ont été pris en compte. D’abord Chauvin a agi avec « une cruauté particulière ». Ensuite « il a abusé de son autorité en tant qu’agent de police ».
Le juge a cru nécessaire de préciser que sa décision n’était pas motivée par des soucis liés à l’état de l’opinion publique. Celle-ci, on le sait, a suivi depuis mars dernier le procès dans ses moindres détails. Elle a suivi le défilé à la barre des témoins des membres de la famille Floyd en pleurs; les passants qui relataient leurs vaines supplications au flic assassin de laisser Floyd respirer; les policiers du district de Minneapolis venus dénoncer à la barre le comportement de leur collègue…
Des millions d’Américains qui ont suivi en direct pendant quatre mois le procès de Chauvin et qui attendaient avec curiosité et impatience l’énoncé du jugement ne pouvaient pas ne pas être pris en considération par le jury. Les soucis de paix civile ont sans doute aussi joué un rôle dans la décision d’ajouter dix ans de plus à la peine maximale prévue par les lois de l’Etat du Minnesota.
Décision historique
Car, imaginons que Chauvin était condamné à sept ou huit ans de prison comme c’est souvent le cas pour des flics impliqués dans des meurtres. Le sentiment d’injustice aurait été exacerbé et l’Amérique aurait sans aucun doute sombré de nouveau dans des émeutes violentes.
L’avocat de la famille Floyd, Ben Crump, a salué une décision « historique qui a fait franchir à la famille Floyd et à notre nation un pas de plus vers la réconciliation. En leur permettant de tourner la page et en désignant des responsables ». De son côté le président Biden, sans doute soulagé de ses soucis de paix civile, a jugé le verdict « juste ».
Autre bonne nouvelle pour l’opinion américaine et mondiale: le dossier judiciaire ne s’arrêtera pas là. Puisque les trois collègues de Derek Chauvin qui n’avaient pas bougé un doigt pour empêcher le meurtre de George Floyd seront jugés en mars 2022. Et ce, pour « complicité de meurtre » par la justice du Minnesota. En parallèle, les quatre hommes (Chauvin et ses trois collègues) devront aussi affronter un procès devant la justice fédérale qui les a inculpés pour « violation des droits constitutionnels » de George Floyd.