Encore une fois, les banques tunisiennes font objet d’un rapport élaboré par une agence de notation, cette fois Fitch Ratings. Les conclusions ne sont pas positives et convergent vers un point essentiel: nos établissements de crédit sont fragiles et leurs perspectives à court terme sont peu porteuses.
La situation du secteur est causée, entre autres, selon par Fitch Ratings, par l’environnement dans lequel les banques opèrent. La pandémie a laissé des séquelles à tous les niveaux. Côté performance, 2020 a été marquée par une baisse généralisée de la profitabilité par suite de la baisse des taux, la hausse de l’imposition et l’aggravation des coûts du risque. La rentabilité des fonds propres des plus grandes banques (Amen Bank, ATB, Attijari Bank, BH Bank, BIAT, BNA, Banque de Tunisie, STB, UBCI, et UIB) est passée de 16,1% fin 2019 à 9,6% seulement fin 2020.
Un tableau peu flatteur
Au niveau macroéconomique, l’activité tarde à redémarrer, réduisant la demande de qualité sur les crédits et renforçant la probabilité de défaut de paiement. Des secteurs clés, comme le tourisme, connaitront un exercice difficile et ne faciliteront pas la tâche aux banques.
D’ailleurs, l’agence de notation Fitch Ratings s’inquiète de la forte détérioration attendue lorsque les mesures exceptionnelles au profit des entreprises, décrétées par la BCT, prendront fin vers septembre 2021. De plus, l’IFRS 9 appliquée à partir de 2021 risque d’affaiblir davantage la qualité des actifs et d’obliger les banques à constituer des provisions supplémentaires. Fitch n’a pas exclu que le régulateur se montre souple en permettant une application progressive de cette norme.
La dégradation de la qualité des actifs ne concerne pas uniquement le secteur privé, mais également l’Etat avec une exposition très forte aux Bons de Trésor et les entreprises publiques. 15% de l’actif du secteur est lié aux risques souverains fin novembre 2020, une proportion importante.
Choix limités
Face à ce tableau, la marge de manœuvre du régulateur ne semble pas être large. Malheureusement, nous avons perdu un temps précieux, surtout immédiatement après 2011, pour rectifier le tir. La situation des banques publiques était tellement critique qu’il était réellement difficile de lancer un tel processus. Entre-temps, la situation globale s’est dégradée de sorte que la facture finale de la mise à niveau réglementaire de l’industrie bancaire tunisienne est beaucoup plus chère.
Le rôle de l’Etat est primordial, car l’assainissement de ses entreprises pourrait soulager les établissements sous sa houlette. En fin de compte, ce qu’il ne va pas payer au profit de ces entités, il va l’injecter dans les banques. Tout accord avec le FMI devrait comporter le volet de la BNA, la STB et la BH Bank.
Concrètement, les actionnaires des banques doivent se préparer à mettre les mains dans les poches. La majorité des établissements ont besoin d’être recapitalisés et certaines l’ont déjà programmé (ATB à titre d’exemple). Les banques vont tenter de réduire le coût de ces opérations en misant sur le recouvrement des créances compromises. En pratique, cela signifie également des conditions de financement plus contraignantes pour les entreprises, car les crédits d’aujourd’hui sont les provisions de demain.
L’une des solutions reste la consolidation au sein du secteur. Mais avant cela, il faut au moins avoir des établissements solides capables d’absorber d’autres qui ont des cadavres dans le placard. Encore une fois, plus ce processus tarde, plus le coût supporté par le pays sera lourd.