Fitch Ratings a ajouté une nouvelle couche de difficultés pour la Tunisie, en rétrogradant sa note de « B » à « B – » avec des perspectives négatives.
Le pays a payé le prix du retard constaté dans la signature d’un nouvel accord avec le FMI, du paysage politique jugé de « fragmenté » et de l’opposition sociale « enracinée » qui limite la capacité de tout gouvernement à mettre en place les réformes capable d’assainir le budget et convaincre les bailleurs de fonds. Pour Fitch Rating, le pays pourrait être amené à accepter une restructuration de sa dette bien que les autorités l’aient toujours niée et, surtout, refusée. L’accès aux financements extérieurs est vital vu les besoins et les échéances à court terme.
Un accord reste jouable d’ici la fin de l’année, mais l’absence d’un vrai soutien politique au gouvernement et l’opposition politique rendent cette tâche compliquée. En cas de non-réforme, la Tunisie ne sera éligible au financement du FMI qu’avec un traitement de son dossier par le Club de Paris, avec des implications pour les créanciers privés.
La garantie américaine pour les émissions sur les marchés est en discussion, mais elle ne peut être exécutable qu’au dernier trimestre 2021 et peut être liée au succès des négociations avec le FMI.
Qu’est-ce que le Club de Paris?
Le Club de Paris est un groupe composé des plus grands créanciers au monde. Ils interviennent pour trouver une solution pour les pays dont la dette est devenue insoutenable.
A travers des négociations, il tente de détendre les contraintes financières et de parvenir à une solution, notamment avec les créanciers privés. Cette démarche dépend d’un accord avec le FMI, qui joue le rôle de garant de l’application d’un programme d’ajustement économique que le pays en question accepte.
Traditionnellement, la procédure est lancée par une demande adressée par le pays débiteur au Secrétariat du Club sollicitant le rééchelonnement de la dette.
Le Club lance alors ses travaux dans l’objectif d’établir ce qui est appelé la capacité de paiement. Ce document compile toutes les données sur la balance des paiements actuelle et futur et sur plan d’ajustement défini par le FMI afin de déterminer un état de flux de trésorerie de l’Etat et juger sa capacité à respecter le nouvel échéancier défini.
Un facteur clé est à tenir en considération : l’accord signé au bout des négociations, qui se déroulent traditionnellement à Paris, est multilatéral qui définit le cadre général du réaménagement de la dette, à savoir les prêts concernés par le rééchelonnement et conditions de remboursement. Toutefois, il ne fixe pas le taux d’intérêt qui sera fixé ultimement dans le cadre d’accords bilatéraux avec chaque partie.
Les traitements peuvent être concessionnels (avec diminution de la valeur actuelle nette des créances) ou non concessionnels (simple rééchelonnement ou différé des montants consolidés).
A noter également que seules les dettes à moyen et long termes des créanciers publics sont considérées. Jusqu’à aujourd’hui, 100 pays sont passés par ce Club, qui a traité 589 milliards de dollars de dettes.
Encore une chance
Le grand risque est que les négociations en cours avec le FMI se transforment en des discussions sur un programme d’ajustement structurel qui sert à aller à Paris et non pour décrocher un nouveau financement.
Le facteur temps joue contre la Tunisie. Nous traversons une vraie crise sanitaire et plusieurs responsables viennent de signaler que le système de soins s’est effondré. Mettre en œuvre des réformes est une mission impossible dans un tel cadre car cela passe par des chantiers très sensibles socialement, à savoir: compensation, la masse salariale et les entreprises publiques. Les partis au pouvoir n’accepteront pas de payer le prix de telles décisions lors des prochaines élections.
Toutefois, rien n’est encore décidé. Nous avons toujours une chance. Fitch n’a dressé qu’un scénario noir que tout le monde connait si le pays ne parvient pas à réformer. Fitch a mis toute la scène politique devant sa responsabilité. Et pour que nous soyons clairs, elle a été clémente en ne passant pas directement à un « C ». Il y a toujours une chance, minime réellement, que le pays puisse sortir de l’ornière et la Loi de Finances complémentaire est l’une des dernières cartouches à tirer.
C’est un dernier appel à tous les acteurs politiques : pour une fois, soyez unis et pensez au bien de cette nation. En économie, il y a plusieurs théories, mais il y a un seul bon sens. Soyez intelligents, soyez à la hauteur.