C’est en général en été que l’on recommence à parler des méfaits de la pollution, à juste titre, il faut dire. Il est en effet devenu de plus en plus aléatoire de trouver à se rafraîchir sur la plage, dans un pays largement pourvu en côtes ouvertes sur la grande bleue.
La couleur bleue est évidemment une facilité de langage quand le commun des vacanciers a droit à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, rarement au bleu. Quand il faut y ajouter le « cadeau » du plastique que tous les pays du pourtour méditerranéen vouent aux gémonies juste pour l’année prochaine, se baigner relève désormais de l’acte d’un courage inconsidéré.
Les écolos de tous les pays renvoient cette descente aux enfers planétaire à la nécessité de changer l’état d’esprit du commun des mortels et au populisme, devenu une contrainte politique majeure pour se faire réélire par temps de démocratie en panne d’autocritique.
Le meilleur système politique inventé pour faire le bonheur des peuples a de plus en plus le hoquet, fortement perturbé, il faut dire en ces temps, par ce que l’on appelle les réseaux sociaux, devenus par défaut un substitut aux urnes de plus en plus boudées par les masses dites populaires.
Les urnes en question ont bien porté au Parlement ce que l’on appelle des élus. On voit bien que certains d’entre eux n’ont rien à envier aux délinquants du tout venant quotidien et malheureusement banalisé.
« La couleur bleue est évidemment une facilité de langage quand le commun des vacanciers a droit à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, rarement au bleu »
Nos voisins les Algériens, ceux qui nous ressemblent nécessairement le plus, viennent d’en administrer la preuve. Il y a eu des élections, avec les discours habituels et triomphalistes de ceux qui disent avoir été choisis par les urnes pour gouverner en toute démocratie. Et c’est à cette occasion que l’on s’aperçoit que le parti le plus représentatif du peuple algérien est celui des absentéistes.
En faisant l’hypothèse que tout s’est déroulé dans la transparence, la majorité réelle n’a pas jugé à son goût l’offre politique, beaucoup pensant, probablement à tort, qu’« ils sont tous pourris ». Et comme le tableau n’est pas vraiment différent de ce qui s’est passé chez nous, il va bien falloir se poser quelques questions triviales sur la légitimité de ces pouvoirs démocratiquement élus, quand les crises de tout genre pointent à l’horizon.
Il faut dire que la « pollution » du système démocratique ne pouvait que s’installer dans le corps judiciaire, comme le disent avec insistance les défenseurs de Belaïd et de quelques autres politiques assassinés, et jusque-là sans procès pour faire la lumière.
Il ne faut, en effet, pas être un analyste statisticien de premier ordre pour observer
que les scrutins successifs en Tunisie ont donné un Parlement aux antipodes de la présidence de la République.
Les diatribes des uns et des autres, des uns contre les autres, laissent la nette impression que deux peuples différents ont été aux urnes, à l’occasion de chacune des élections.
« Il va bien falloir se poser quelques questions triviales sur la légitimité de ces pouvoirs démocratiquement élus, quand les crises de tout genre pointent à l’horizon »
Comme dans la dynamique de la pollution, l’agencement théorique des institutions a été perverti au point que le commun des Tunisiens ne voit plus de raison pour aller voter, quand les tentatives successives ont mis aux manettes des hommes et des femmes incapables de comprendre que la crise risque d’emporter armes et bagages, un peu comme une pandémie qui tue sans faire de distinction entre les « purs » et les « pourris ».
Le dérivatif « populiste » à ce marasme est de crier au complot. On aura remarqué que sur de petites périodes, le pays a compté de multiples complots, ourdis par des puissances occultes nécessairement mystérieuses.
Parler de complot est en effet la meilleure des entourloupes pour se défausser sur ces « puissances innomées », quand on n’a rien à proposer pour le quotidien du commun des mortels. La pollution de l’environnement, locale ou importée, serait une marque des temps et d’une civilisation à la dérive.
La pollution dans les têtes est un mal silencieux, insidieux, profond, mais il a en plus, de tuer l’espoir. Et on ne peut même pas compter sur la science pour trouver un vaccin, en unidose, ou à double dose. Pour la bêtise, il y a déjà surdose