On ne peut que redouter les « rahba » et les déplacements en voitures entre les régions, durant l’Aïd. De toute façon, « les effets se feront, quoi qu’il en soit, sentir ». Reportage.
Le constat peut être établi facilement après un petit tour dans Tunis et sa banlieue : il y a moins de bêlements aux quatre coins des quartiers. C’est le cas à El Menzah 1 où Nourreddine a fait en cet Aïd Al Idha le choix de ne pas acquérir de mouton. « Pourtant, j’ai assez d’espace et je sais tout faire par moi-même », assure-t-il, derrière ses lunettes de soleil.
Quarante-cinq ans, l’allure dynamique, ce cadre d’une société d’assurance donne pour cela deux explications. D’abord, la longue attente dans les lieux réservés à la vente du bétail. Ensuite, le prix qui est monté jusqu’à être supérieur de 30 à 40% par rapport à l’année précédente.
Acheter tout simplement un peu de viande
Sans oublier, annonce-t-il, qu’à ce qu’on dit le mouton se fait un peu plus rare en raison de la pandémie. C’est que la pandémie a imposé des restrictions qui ont somme toute freiné le travail des éleveurs.
Pour cette année, et en attendant des jours meilleurs, il a décidé d’acheter tout simplement un peu de viande. « Deux kilogrammes et un peu de merguez et le tour est joué », lance-t-il. Même s’il a horreur de la foule et des gens qui s’agglutinent en masse devant le rayon boucherie des supermarchés.
« Je n’ai pas évité les « rahba » (espace de vente des moutons) pour aller vivre la même chose dans un supermarché ». Du côté d’Al Manar, un des jeunes bouchers estime cependant, pour sa part, que l’affluence n’est pas aussi importante que cela.
« Le corona a eu un effet dévastateur »
Mourad– il refuse de donner son vrai nom- pense effectivement que « les gens, même pour le quartier cossu où il travaille, ont été touchés par une conjoncture difficile ». « Le corona a eu un effet dévastateur pour nombre de métiers et le résultat s’est fait sentir au niveau de la consommation », commente-t-il.
Mais le corona n’a pas fait l’effet qu’il faut sur certains Tunisiens qui ont continué à fréquenter les « rahba », souvent sauvages. Nourreddine, notre cadre d’une société d’assurance, dit avoir eu peur en regardant certaines vidéos sur Facebook montrant la vente de mouton à Jelma, Chrararda et Douz. « Il y avait le plus grand nombre d’acheteurs au mètre carré au monde », sourit-il. En ajoutant que « les effets se feront, quoi qu’il en soit, sentir ».
Mais ce n’est pas tout. Nizar, rencontré dans une boulangerie-pâtisserie du côté du quartier Lafayette, chauffeur-livreur d’une marque de détergent, déplore, dans le même ordre d’idée, qu’il y ait du mouvement sur les routes à l’occasion de la fête du sacrifice. « Comme s’il n’y avait pas interdiction de se déplacer entre les régions ! »
« Respecter les protocoles sanitaires »
Nourredine regrette que le Mufti ait somme toute boosté le commerce du mouton en s’opposant, samedi 3 juillet 2021, à l’annulation des rites de l’Aïd el Idha en rappelant, dans ce contexte, que c’est là « une pratique prophétique hautement recommandée (sunna mouakada) ». Il pouvait insister davantage sur « la nécessité de respecter les protocoles sanitaires ».
Nourreddine se souvient que Feu le Roi Hassan II, du reste Amir Al Muminin (Commandeur des croyants), avait par trois fois, au Maroc, (en 1963, en 1981 et en 1995) usé de ses prérogatives. Il avait appelé les Marocains à s’abstenir d’effectuer le rite annuel de l’Aïd Al Idha.