En parlant par deux fois, dans son adresse du 19 juillet 2021, de l’action de ses détracteurs, le chef du gouvernement Hichem Mechichi a-t-il bien fait? Les avis sont partagés. Mais l’essentiel est que, côté communication, il n’a pas pris en compte le contexte. Surtout que ses décisions prêtent souvent le flanc à la critique.
Le chef du gouvernement a-t-il bien fait d’évoquer, dans son adresse, la veille de l’Aïd, le 19 juillet 2021, les empêcheurs de tourner en rond? Ceux qui « usent de tous les moyens, même illégitimes pour taper sur ce gouvernement et le dénigrent, même si le prix est la Tunisie ».
Les avis ne peuvent de toute évidence qu’être partagés. Toujours est-il que cette évocation a été la principale information retenue de son adresse ou celle qui a, après un survol des reportages diffusés à cette occasion, été placée en tête par les médias et sans doute alimenté les discussions des uns et des autres.
C’est que– et on ne cessera de le dire- la presse ne s’intéresse qu’aux trains qui n’arrivent pas à l’heure. Certains peuvent le regretter, mais les choses sont ainsi faites. A cause en partie du consommateur, celui que le patron de presse français Jean Prouvost appelait « le sang du journal »; un consommateur qui cherche souvent l’insolite. Ce qui fait défaut et ce qui suscite la polémique.
Mauvaise gestion de l’opération dite des « Portes ouvertes »
La presse n’est-elle pas un lieu privilégié du débat dans l’espace public? Le théoricien et philosophe allemand Jürgen Habermas ne considère-t-il pas que « la presse a été décisive en ce qu’elle a permis cette publicité des idées, garante d’un modèle délibératif et raisonné »?
Laissons sans doute cette théorie, qui se vérifie du reste tous les jours sur le terrain, en Tunisie comme ailleurs, pour dire que le fait que le chef du gouvernement ait évoqué par deux fois ses contradicteurs ou détracteurs ne peut échapper à l’attention des citoyens. Comme à celle des analystes de tout bord. Qui peuvent y voir là le signe évident de son irritation. A-t-il eu raison de le faire?
« Le fait que le chef du gouvernement ait évoqué par deux fois ses contradicteurs ou détracteurs ne peut échapper à l’attention des citoyens »
Surtout lorsqu’il prête par ses décisions le flanc à la critique. Le lendemain de son adresse, le 20 juillet 2021, Hichem Mechichi pouvait-il éviter les commentaires quant à la mauvaise gestion de l’opération dite des « Portes ouvertes » dans certains centres de la vaccination anti-coronavirus des 20 et 21 juillet 2021?
Ce qui ne veut pas dire que l’on ne se doit pas d’accorder de l’intérêt à ceux qui vous manifestent de l’adversité. Mais, n’y a-t-il pas d’autres moyens pour le chef du gouvernement de leur répondre sans en donner l’air? Comme en pourfendant leurs arguments au fil du déroulement de son adresse.
Ancien conseiller des anciens présidents français François Mitterrand et Jacques Chirac, Jacques Pihan, savait le faire comme personne. Il décrit son savoir-faire dans un entretien accordé à la revue Le Débat (voir L’écriture médiatique – entretien avec Jacques Pilhan, Le Débat, n° 87 novembre-décembre 1995, pages 2 à 24). En insistant sur le fait qu’évoquer les critiques de ses adversaires est une erreur.
Ne fallait-il pas essayer plutôt de prendre de la hauteur? D’autant plus que « le contexte », répétons-le encore une fois, invite son homme à rassembler et à dépasser les frictions de notre classe politique. Le moment est en tout cas, semble-t-il, mal choisi.
« Nous allons vaincre l’épidémie »
Le contexte est définie comme « l’environnement dans lequel a lieu la communication: le lieu, le moment, les rapports sociaux, l’actualité, etc. En somme, la situation dans laquelle se déroule la communication influe sur les acteurs ».
Une remarque à ce niveau: les Tunisiens largement préoccupés par le développement de la pandémie, qui fait quotidiennement des ravages, n’ont peut-être pas prêté assez d’attention précisément aux faits et gestes des détracteurs de Hichem Mechichi. Pourquoi donc éveiller leur curiosité les concernant?
Finissons cependant par une note somme toute positive au sujet de l’adresse du chef du gouvernement du 19 juillet 2021 pour dire deux choses. La première est que Hichem Mechichi a bien fait de dire que lui-même et l’équipe qui l’entoure n’abandonnent pas la partie de la lutte contre le coronavirus, malgré la gravité de la situation.
La seconde est qu’il a rappelé que la Tunisie en a connu d’autres dans sa longue histoire et qu’elle a réussi à s’en sortir: « Nous allons vaincre l’épidémie grâce à la solidarité et en faisant primer l’intérêt de l’Etat. »