Le chef du gouvernement Hichem Mechichi et son ministre de la Santé fraichement limogé, Faouzi Mehdi, se rejettent mutuellement la responsabilité du fiasco retentissant de l’opération « Journées portes ouvertes ». Qui a tort, qui a raison? A moins qu’il ne s’agisse d’un grave disfonctionnement des rouages de l’Etat. Affligeant.
La polémique autour du limogeage de l’ancien ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, en plein rebond épidémique, ne cesse d’enfler. Car, non content d’écarter son ministre d’une manière brutale, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi veut le traduire en justice. Pour avoir pris des décisions unilatérales, transformant les 29 centres de vaccination en clusters. Et mettant ainsi la vie de milliers de citoyens en danger.
Devant la gravité des charges portées contre lui, l’intéressé est sorti de son mutisme pour crier son innocence, défendre son honneur et dire enfin sa vérité.
Vérité et contre-vérités
Avait-il alerté d’avance le chef du gouvernement, en sa qualité de ministre de l’Intérieur par intérim, pour solliciter l’encadrement par les forces de l’ordre de l’action « Journées portes ouvertes » dans certains centres de vaccination durant les deux jours de l’Aïd? Oui, répond Faouzi Mehdi, sans hésitation.
Non, répond Hichem Mechichi, lequel, via un communiqué de la présidence du gouvernement, reproche à son ministre « l’ouverture des centres de vaccination sans coordination avec les autorités centrales et régionales de la santé et de la sécurité ».
« Il s’agit d’une décision populiste. Le fait d’organiser des journées portes ouvertes sans prévenir ni le chef du gouvernement, ni les gouverneurs, ni les forces de l’ordre est une décision criminelle. Cette image ne sied pas à l’image de la Tunisie ». Ainsi parlait Hichem Mechichi pour justifier le limogeage de son ministre de la Santé Faouzi Mehdi. Annonçant dans la foulée son remplacement, par intérim, par Mohamed Trabelsi.
Qui croire? De deux choses l’une. Soit le ministre remercié avait commis une bourde monumentale en organisant une campagne massive de vaccination mal encadrée ayant créé de l’anarchie et des attroupements en temps de pandémie. Provoquant ainsi la propagation de la contamination, en mettant en danger la santé des citoyens. Et c’est criminel!
Soit, par une perfide manœuvre, Hichem Mechichi savait, mais avait décidé de ne pas bouger le petit doigt afin de créer l’anarchie autour des centres de vaccination. Et ce, pour préparer le terrain au limogeage de son ministre sans se soucier de la santé des citoyens. Et c’est criminel!
L’allusion, à peine voilée, du Président
Le président de la République faisait-il allusion à cette deuxième hypothèse quand il accordait, mercredi 21 juillet, une audience au ministre limogé? « Ce qui s’est produit devant les centres de vaccination le jour de l’Aïd est un crime à l’encontre de la Tunisie. Alors que l’Etat cherche à fournir de l’oxygène au Peuple, certains cherchent à faire propager la pandémie rien que pour accuser X ou Y d’échec en raison de son rapprochement avec le chef de l’Etat ». Ainsi martelait Kaïs Saïed, dans une allusion à peine voilée à son chef du gouvernement.
Ce sont les citoyens qui trinquent
Mais, dans les faits, l’ancien ministre de la Santé avait-il consulté son patron en tant que chef du gouvernement pour le déclenchement de l’opération « Journées portes ouvertes » décidée la veille?
Faouzi Mehdi ne laisse planer aucun doute. Il persiste et signe dans un post publié 48h après son limogeage et affirme haut et fort que l’opération était initiée sous la pression du palais de la Kasbah. Et d’enfoncer davantage le clou en précisant qu’elle a été menée de concert avec les conseillers du chef de gouvernement.
Un document fuité du ministère de la Santé montre que le chef du cabinet du ministère de la Santé avait effectivement adressé le 19 juillet, la veille de l’Aïd, une correspondance au chef du cabinet du ministère de l’Intérieur. Et ce, pour solliciter « la sécurisation » de 29 centres de vaccination par les forces de l’ordre.
Était-il possible sur le terrain de sécuriser 29 centres de vaccination dans l’ensemble du pays et encadrer le flux de milliers de personnes dans un temps aussi court? En d’autres temps et en d’autres circonstances cela s’est vu. Au point même de déplorer le zèle des agents de l’ordre. Ce qui laisse, pour le moins un peu perplexe, est la réaction de Mechichi qui déclarait ne pas avoir été informé au préalable.
Dans tous les cas de figure, il s’agit d’un disfonctionnement gravissime des rouages de l’Etat qui n’exonère personne de ses propres responsabilités. Et ce seront nous autres, pauvres concitoyens, qui en paieront le prix fort.