La position de la BCT concernant la Loi de la relance économique montre à quel point la coordination entre les différentes parties prenantes à la décision économique est absente. Les calculs politiques ne peuvent aboutir qu’à de nouveaux blocages.
Certes, cette Loi comporte de bonnes dispositions en faveur des entreprises en matière de recherche et développement. Ainsi que concernant l’administration fiscale qui est désormais mieux armée pour mener sa mission de collecte de recettes au profit de l’Etat. Mais en même temps, certaines mesures qui ont été applaudies sur les réseaux sociaux sont réellement incompatibles avec la situation économique du pays. Bien que la BCT n’ait pas précisé les mesures qui l’inquiètent, nous pensons qu’il s’agit de deux articles phares relatifs au change et à l’immobilier.
Le risque d’une hémorragie de sortie de devises
La Loi a instauré le droit d’ouvrir des comptes en devises, sous certaines conditions. Dans une situation normale et dans une économie aussi ouverte que celle de la Tunisie, c’est légitime de le penser. Cela fait même partie des facteurs clés de succès du pays. Néanmoins, le rendre possible alors que le pays a une carence en devises est une aventure qui finira à la libanaise.
La confiance des Tunisiens en leur monnaie est quasiment nulle et ils ne rateront jamais l’opportunité de pouvoir transformer leurs dinars en Euro ou en Dollar. Ainsi, non seulement il y aura une fuite énorme du peu de richesse du pays; mais les banques perdront toute capacité à maîtriser les flux entrants de monnaies étrangères. Ce contrôle interdit aujourd’hui aux agents économiques de détenir des comptes libellés en devises. Mais il permet à la BCT d’entretenir ses réserves de change et de mener une politique claire en fonction de son tableau de trésorerie. C’est une question primordiale pour que le pays puisse honorer ses engagements internationaux. A l’heure actuelle, tout changement de la législation aura de graves conséquences sur les équilibres de l’Etat.
Décisions inflationnistes critiquées par la BCT
La seconde décision critiquée concerne la possibilité d’accéder aux financements d’acquisitions immobilières sans autofinancement, sur une longue période allant jusqu’à 40 ans et à 3% seulement. Les Tunisiens, sous le charme de l’exemple français, se sont également félicités de ces mesures surtout qu’on parle de biens dont la valeur pourra atteindre 500 000 TND.
Pour rappel, les banques ne financent pas l’immobilier que par leurs propres ressources. La BCT ne refinance pas ce type de prêts, ce qui explique les taux élevés appliqués par les établissements de crédits. Maintenant, qui va mettre l’argent de cette ligne de financement avec des taux aussi bas?
Le plus grave reste les implications en matière d’inflation. Aujourd’hui, ce qui empêche les prix de grimper rapidement restent les difficultés de financement qui limitent l’engouement des consommateurs. Faire exploser la demande d’un seul coup va causer une flambée des prix des habitations, des matières premières, du coût de la main d’œuvre, etc. En même temps, cela va créer une surliquidité côté vendeurs. La combinaison de ces facteurs déclenchera une spirale inflationniste qui pourrait mettre en difficulté la politique monétaire mise en place par la BCT qui cherche à maîtriser les prix. La riposte de cette dernière sera sous la forme d’une hausse des taux qui va asphyxier les entreprises et les particuliers et entraver la vraie relance économique.
Les ingrédients d’une vraie relance
Les besoins du pays en matière de décisions sont clairs: une série de mesures chocs qui libèrent l’initiative, financent l’innovation, déverrouillent les barrières à l’entrée à tous les secteurs et qui boostent les exportations. C’est la recette dont le pays a besoin à court terme. Nous devons rendre la Tunisie plus sexy aux yeux des investisseurs étrangers. Car notre image actuelle est, tout simplement, catastrophique.
Qui va mettre ses sous dans un pays menacé par les Clubs de Paris et de Londres? CMA CGM, l’un des principaux acteurs logistiques portuaires dans le monde, vient de nous sanctionner avec sa décision d’arrêter son activité sur le port de Rades et les conséquences ne tarderont pas. Tous les moteurs de croissance sont défectueux et il faut se préparer dès aujourd’hui à une croissance décevante pour le second quart de l’année.
Reste à préciser que la BCT a donné un joli cadeau à Carthage car il serait difficile que le Président de la République rate l’occasion de ne pas ratifier la Loi et de lancer quelques missiles en direction de la Kasbah. Ces querelles vont finir par nous couter cher, très cher.