A quelques jours de la fin des Jeux olympiques de Tokyo, l’on assiste à des performances exceptionnelles de la part des athlètes notamment dans le domaine de la course à pied, avec à la clé trois records du monde. Mais ces exploits auraient-ils été possibles sans le recours aux chaussures « magiques », une innovation technologique révolutionnaire ? Un problème d’éthique.
On n’arrête pas le progrès. Vraiment ? Le Jamaïcain Usain Bolt, véritable légende de l’athlétisme et triple champion olympique en titre (2008, 2012 et 2016) ; l’homme le plus rapide au monde qui détient l’incroyable record du monde en 9s 58 s’est montré très critique envers l’Italien Marcell Jacobs qui vient de remporter la médaille d’or du 100m aux Jeux olympiques de Tokyo avec un chrono de 9s 80.
De l’athlétisme… avec des ressorts
Le grand Bolt jaloux de son successeur ? Pas du tout. En effet, le Jamaïcain qui a pris sa retraite internationale en 2017 trouve que les nouvelles chaussures portées par l’Italien sont « bizarres et injustes », voire « à la limite du ridicule. C’est de l’athlétisme avec des ressorts ».
« Je ne sais pas de combien, mais c’est sûr que j’aurais couru beaucoup plus vite avec les nouvelles chaussures, en dessous de 9 sec 50 sans aucun doute », a-t-il assuré au quotidien britannique The Guardian.
De quoi s’agit-il au juste pour provoquer l’ire du triple champion du monde ? D’une nouvelle génération de chaussures « magiques » qui seraient à l’origine de performances impressionnantes dans le domaine de la course à pied, toutes épreuves confondues.
Ainsi, certains athlètes portent au pied les nouvelles Vaporfly de chez Nike. Ces chaussures ultralégères sont équipées d’une lame de carbone dans la semelle, laquelle, associée à la mousse, restitue de l’énergie à chaque appui, un peu comme l’effet d’un ressort.
Records à la pelle
Pour preuve ? Depuis plusieurs mois, de nombreux records tombent en athlétisme. Ainsi, le Norvégien Karsten Warholm est devenu le premier homme à passer sous les 46 secondes sur 400 m haies en battant son propre record du monde (45 sec 94), établi le 2 juillet à Oslo. Il avait du mal à cacher sa surprise d’avoir réalisé cette performance, presque surhumaine.
Deuxième de la course, l’Américain Rai Benjamin a aussi réalisé un chrono insensé (46 sec 17), réalisant la deuxième meilleure performance de tous les temps.
A Tokyo, en dépit de la chaleur écrasante avec 60 % d’humidité, le Brésilien Alison dos Santos a même pris la 3e place en 46 sec72, mieux que l’ancien record du monde de l’Américain Kevin Young (46 sec 78).
Et ce n’est pas tout, puisqu’en octobre 2019, le Kenyan Eliud Kipchoge était devenu le premier homme à courir le marathon en moins de 2 heures, tandis que sur le demi-fond masculin, c’est l’Ougandais Joshua Cheptegeï qui a fait tomber les records du 5 000 m en août 2020 (12’35 »36) et du 10 000 m en octobre 2020 (26’11 »00).
Chez les femmes, l’Éthiopienne Letesenbet Gidey et la Néerlandaise Sifan Hassan se sont également surpassées sur 10 000 m. Hassan a été la première à battre le 6 juin dernier le record de la discipline (29’06 »82), Gidey lui a répondu deux jours plus tard (29’01 »03). L’Éthiopienne avait déjà amélioré le record du monde du 5 000 m en octobre 2020 (14’06 »62).
A savoir que les observateurs sportifs sont unanimes à considérer que les exploits réalisés depuis cinq ans dans le domaine de la course à pied (sprint, demi-fond, de fond et de marathon) ne doivent rien au hasard, mais à cette nouvelle génération de chaussures.
« C’est une pompe à fric »
Ainsi, les études ont validé un gain en efficacité d’environ 4 % pour la nouvelle génération de chaussures sur route, utilisées depuis 2016. Certes, on n’a pas encore assez de recul pour évaluer l’impact de ces modèles sur piste. Mais les performances parlent d’elles-mêmes.
Faut-il interdire ces chaussures « magiques » par souci d’équité entre les athlètes ? Le débat fait rage.« Si ça ne tenait qu’à moi, je les interdirais », assure le sprinter belge Roben Vanderbemden. « J’imagine aussi que c’est une pompe à fric et c’est pour cela que ça marche. C’est une guerre technologique et là où il y a de l’argent, ce sont les grands qui gagnent. Mais si je ne les portais pas, je serais un crétin. S’il y a des gens qui vont plus vite avec et que moi je me dis que je ne les mets pas par principe, je ne serais pas ici ». Tout est dit !