Plantant le décor, Selma Turki, directrice exécutive du cabinet d’audit et de conseil Deloitte & Ernst Conseil pour la zone Europe- Moyen Orient et Afrique (EY EMEA) a traité de la dynamique que connaît l’Intelligence artificielle à travers le monde et des perspectives de son développement en Europe et en Tunisie. Retour sur son intervention remarquable à l’occasion du Forum de l’Economiste Maghrébin 17 juin 2021. En voici l’essentiel.
Les Etats-Unis et la Chine, champions de l’IA. En 2020, le gouvernement américain a dépensé 4,5 milliards de dollars dans l’Intelligence artificielle (IA). Entre 2012 et 2018, les Américains ont dépensé dans l’IA 20 fois plus que toute l’Europe réunie (26 Etats). Pourtant, l’Europe avait prévu des fonds pour encourager les pays membres à mettre en place des visions stratégiques à base de solutions d’IA. Deux pays européens se sont distingués en matière de digitalisation, de robotique et de solutions à base d’Intelligence artificielle en général: Malte et l’Estonie.
Sur le total des investissements internationaux en matière d’IA, 48% sont réalisés aux Etats-Unis et 38% en Chine. L’Union européenne, toujours en retard, n’a récupéré que 8% du total des investissements internationaux dans l’IA. Par ailleurs, sur un total de 25 centres de recherche en matière d’IA, 18 sont basés aux Etats-Unis, quatre en Chine et le reste en Grande-Bretagne. L’Europe, qui dispose pourtant d’autant de chercheurs que les autres puissances (USA, Chine) est restée un peu théorique. C’est un facteur qui n’a pas joué à son avantage.
Qui utilise les solutions d’IA ?
D’après Selma Turki, 62% des solutions développées par l’IA sont utilisées par les multinationales prestataires de services en ligne: multinationales de commerce en ligne (Amazon), les réseaux sociaux (Google…). Ces multinationales sont à l’affût, selon elle, de toute nouvelle concernant toute recherche développée autour d’un algorithme. La demande des solutions à base d’IA est: les services citoyens (solutions embarquées dans la téléphonie mobile…); les services bancaires ( fintech); et généralement, les sphères où on partage l’information. Ce qui est recommandé aujourd’hui.
Pour Selma Turki, l’avenir est dans les développements applicatifs. Des logiciels utilisés pour réaliser une tâche, ou un ensemble de tâches élémentaires d’un même domaine ou formant un tout. Il s’agit de capitaliser les infrastructures numériques pour accélérer la recherche et ses applications. C’est grâce à l’IA que les laboratoires sont parvenus à mettre au point des vaccins anti-Covid en une année, contre six ans et plus auparavant.
Dans cette perspective de capitalisation de l’infrastructure numérique disponible, Selma Turki a évoqué les conclusions d’une étude effectuée par le cabinet international de conseil en stratégie, McKinsey & Company. Cette étude fait ressortir que seuls neuf pays européens sont prêts à développer des solutions à base d’IA. Il s’agit de la Belgique, de la Hollande, du Luxembourg, des pays nordiques, de l’Estonie, de l’Irlande. Ces pays présentent trois avantages: la disponibilité d’une infrastructure numérique adéquate; une population hautement qualifiée; et la volonté politique des gouvernants.
La Tunisie appelée à valoriser ses ingénieurs
Pour le cas de la Tunisie, Selma Turki a évoqué les conclusions du rapport de l’Unesco sur l’ingénierie (2021). Selon ce document, avec un taux de 43% d’ingénieurs sur le total des diplômés du pays, la Tunisie est mieux positionnée que d’autres pays tels que l’Allemagne (35%) et l’Inde (31%).
Pour elle, la Tunisie dispose d’un énorme potentiel de jeunes surqualifiés pour s’engager avec de grandes chances de succès dans l’industrie artificielle et ses corollaires. A savoir: les innovations techniques et les technologies émergentes (métadonnées, Intelligence artificielle…). Lesquelles sont devenues, de nos jours, essentielles pour relever les défis urgents auxquels l’humanité et la planète font face. Concrètement, elle suggère d’assurer un accompagnement conséquent aux 500 startup que compte la Tunisie.
Elle estime que les compétences qu’il faut cibler, dans cette bataille de chasse aux talents, sont surtout les développeurs et les mathématiciens. « Car en matière d’IA, nous avons besoin certes d’ingénieurs, mais également de mathématiciens », a-t-elle dit. Concernant les projets de son groupe, elle a indiqué que d’ici cinq ans, EY EMEIA va encourager la plupart des organisations, toutes industries confondues, à développer des solutions à base d’IA et d’automatisation. Les startup tunisiennes peuvent participer à ces projets. Selma Turki, en sa qualité de leader des solutions cognitives EY EMEIA, considère que l’avenir réside dans l’investissement dans les technologies émergentes et dans la jeunesse innovante. Et ce, à travers leur incitation à créer des startup, en partenariat avec le monde privé.
Par B.K