Comme pour la Révolution de 2011, les femmes ont été le 25 juillet 2021 de toutes les expressions de mécontentement populaire contre le mauvais ordre établi depuis 2011. Pourtant, et malgré leurs actions et les avancées remarquables dont elles ont bénéficié durant les années d’indépendance, leur statut reste pour des associations de droits des femmes en deçà des ambitions de notre pays et de la majorité de sa population.
Le Parquet a répondu favorablement, le 4 août 2021, à la plainte déposée contre le député Mohamed Affes, de la coalition Al Karama, qui a porté atteinte dans une intervention le 3 décembre 2020 à la dignité des femmes à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).
Une décision saluée par l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT). Laquelle est, en coordination avec un groupe de femmes de la société civile, à l’origine de la plainte. Le député a assimilé la liberté de la femme à « une débauche », comparant les mères célibataires à des « trainées ».
Une affaire qui vient nous rappeler peut-être que la femme tunisienne continue à subir, malgré les avancées dont elle a bénéficié notamment depuis le 13 août 1956, date de la promulgation du Code du statut personnel, une adversité, pour ne pas dire plus. Et ce, dans les rangs d’une partie de la société.
63,6% des lauréates au baccalauréat
Pour des associations de défense des droits de la femme notamment, la Tunisienne n’a pas acquis la plénitude de ses droits. Et des écarts existent encore entre la loi et la pratique quotidienne. 65 ans après la promulgation de ce code unique dans le monde arabo-musulman. En effet, aucun pays arabe ou musulman ne suivait la Tunisie sur la voie tracée par ce texte.
En témoigne la difficulté d’ « obtenir justice en matière de violences faites aux femmes consécutives à une loi adoptée en ce sens 2017; en raison du manque de volonté politique et de moyens ».
Dans une déclaration faite, en mars 2021, Yosra Frawes, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) assure à l’Agence France Presse qu’ « il y a un décalage énorme entre la loi de 2017, qui est encore très récente, et les pratiques institutionnelles et sociales qui ne suivent pas cet élan libérateur ». Des propos qui montrent à quel point il y a encore des pas à accomplir en matière de développement des droits de la gente féminine.
Pourtant des chiffres établissent que « les femmes représentent 50,5% de la population; constituent 63,6% des lauréates au baccalauréat. 68% des diplômées du supérieur sont des femmes. Ainsi que 49% des cadres supérieurs et techniques et 39% de la fonction publique ».
Ils ne doivent pas cependant nous faire oublier que « le taux de chômage des femmes est de 21,9%; par rapport à 12,8% pour les hommes et une moyenne nationale de 15,7% ». Et que « ce taux s’aggrave davantage pour les femmes diplômées de l’enseignement supérieur, dont 43% restent sans emploi (contre 23% pour les hommes et une moyenne nationale de 33,5%) ».
11 décès parmi les manifestantes
Les manifestations du 25 juillet 2021 qui ont été à l’origine d’un sursaut contre tout un bâtit inauguré le 14 janvier 2011 nous ont montré la grande implication de la femme tunisienne dans une lutte pour une Tunisie meilleure.
Des femmes ont été de tous les mécontentements exprimés en ce 25 juillet 2021. Et ce, que ce soit devant le parlement au Bardo ou à l’intérieur des villes de la République. Comme cela a été le cas dans les années et les heures qui ont précédé le départ de l’ancien président Ben Ali, le 14 janvier 2011.
Le rapport de la Commission nationale d’investigation sur les dépassements et les violations entre le 17 décembre 2010 et le 23 octobre 2011 parle de: « 11 décès parmi les manifestantes; 25 dossiers relatifs à des blessures par balles; et 100 dossiers relatifs à diverses agressions et arrestations ». C’est ce qu’indiquent Inès Chaalala et Thouraya Hammami Bekri (voir « Tunisie : Le rôle des femmes dans la construction démocratique », publié le 8 février 2018, par le site Ritimo).
Qui ne se souvient du reste d’Emel Mathlouthi au milieu de la foule, sur l’Avenue Bourguiba, à Tunis, en janvier 2011, chantant « Kelmti Horra » (Ma parole est libre). Une femme qui est restée une icône de la révolution tunisienne.