En tant que démocrate convaincue, j’ai toujours considéré et défendu la participation politique comme un droit acquis pour tout Tunisien qui le souhaite. Y compris les islamistes. Pour moi, leur participation à la scène politique en Tunisie était le meilleur moyen de faire évoluer leurs pensées. Et ce, comme tous les pays occidentaux qui sont passés par là. L’Islam étant laïc dans son essence, il suffisait de les confronter par les idées.
Jamais je n’avais imaginé l’ampleur du rejet qu’avaient les Tunisiens par rapport à cette catégorie de politiciens. Je vous prie donc de prendre le temps de lire ma perception de ce mouvement en Tunisie.
Il faut se souvenir que sous une dictature, le droit au rassemblement est interdit. Seul l’islamisme pouvait donc prendre racine. D’une part à travers les mosquées, où le rassemblement est libre; et d’autre part, en surfant sur les croyances des gens et leur mémoire collective.
Sans avoir à expliquer le libéralisme ou le socialisme et encore moins la démocratie, il suffisait de cibler la classe la plus pauvre et la moins instruite pour s’enraciner.
Ils sont donc le produit de la dictature, qui elle, justifiait son autorité excessive par la menace du terrorisme. Or, tout comme les Palestiniens, terrorisme et violence étaient les seuls moyens qu’on leur laissait pour pouvoir se faire entendre.
L’Etat lui-même avait donné le mauvais exemple en les malmenant, voire en les terrorisant, eux et leur famille; et même leurs voisins si nécessaire. Ce qui les a poussés à l’exil et à l’alliance avec d’autres islamistes, exilés d’autres pays. Afin de créer une force régionale qui puisse se faire entendre.
Rien ne vaut l’injustice pour créer une force politique soudée et solidaire qui résiste et s’oppose. Lorsqu’on y rajoute la misère, Dieu devient l’unique sauveur. Lors des premières élections, j’ai vu des banderoles sur lesquelles était inscrit: « Votez Ennahdha c’est se garantir le Paradis »… Et cela a marché.
En rendant l’instruction obligatoire tant pour les filles que pour les garçons et en garantissant certains droits à la femme à travers le Code du Statut personnel, l’Etat tunisien avait agi en profondeur sur le long terme. Rendant une éventuelle émergence de l’islamisme vouée à l’échec.
En effet, la moitié féminine de la population, ignorée et méprisée par les islamistes, qui nous considèrent comme simples complémentaires de l’homme, affaiblissait considérablement les islamistes.
Des femmes instruites et bénéficiant de droits civils sont aptes à défendre leurs droits et à éduquer les nouvelles générations avec une vision respectueuse et égalitaire de la femme. Aujourd’hui les femmes tunisiennes sont enseignantes, juges, avocates, médecins, commandants de bord, militaires, sécuritaires, ministres et aussi artisanes, agriculteurs, employées de maison etc.
Toutes ces femmes ont acquis leur liberté financière ou au moins ont participé au financement de leur foyer. Elles ont acquis par la même occasion leur liberté de penser, de parole, de choix et de décision. Loin d’être les complémentaires de l’homme, elles sont leurs égales, parfois leurs supérieures et au moins leur soutien financier en ce qui concerne les chômeurs.
Qui peut, dans un tel environnement, rêver de pouvoir soumettre la moitié d’une société. C’est tout simplement utopique.
Pas étonnant donc que la femme, avocate et députée, qu’est Abir Moussi, ait été celle qui a donné le maximum de fil à retordre aux islamistes tunisiens majoritaire à l’ARP. Elle installa une ambiance chaotique, seul moyen qu’on lui laissait pour se faire entendre. Or rien que dans l’espoir de voir les islamistes quitter du pouvoir, les Tunisiens l’ont fortement soutenue.
Sauf que le Président Kaïs Saïed décida tout simplement, le 25 juillet, de stopper cette débandade et de geler les travaux d’une assemblée en totale dérive. D’autant qu’à l’ARP les islamistes, forts de leur position et de leurs alliés, faisaient la pluie et le beau temps. Sans tenir compte de personne, pas même du Président de la République.
Dans leur course abusive pour se maintenir au pouvoir, les islamistes ont lamentablement échoué à tenir une seule de leurs promesses électorales. Bien plus, ils ont mis le pays au bord de la faillite en plus de la corruption qui a atteint des sommets.
Les décisions du Président pour corriger cette situation ont provoqué une explosion spontanée de joie dans toutes les villes de Tunisie. Hommes, femmes et enfants sont sortis fêter dans les rues le gel des travaux de l’assemblée et la levée de l’immunité des députés. Les hommes chantaient l’hymne national et les femmes lançaient des youyous stridents.
Quelle qu’en soit l’issue, les islamistes, qui ne l’ont jamais imaginée une seule seconde, ont reçu la leçon de leur vie. Ils savent désormais qu’ils ne peuvent qu’évoluer ou quitter définitivement une politique basée sur la religion. On ne peut gouverner une Nation en se faisant haïr par un peuple en majorité instruit et où les femmes auraient beaucoup à perdre.
Aujourd’hui, en ce jour de fête de la Femme en Tunisie, les femmes se doivent de consolider leurs droits existants. Pour que ces droits ne puissent jamais être remis en question. Mais aussi d’en acquérir d’autres encore. Je vise particulièrement l’héritage qui, dans une République qui se respecte, se doit d’assurer l’entière égalité entre hommes et femmes. Sans quoi, en tant que femmes, nous demanderons à ne payer que la moitié de nos impôts. Dans un contexte républicain, il reste possible de permettre à ceux qui veulent appliquer les lois religieuses concernant l’héritage, de le faire de leur vivant. D’ailleurs c’est l’inverse qui se fait actuellement.
En tant que femmes, notre rôle social nous a appris à être prévoyante et à avoir une vision de long terme. De même qu’à établir des stratégies pour atteindre des objectifs souvent boycottés par les hommes. Et surtout à agir avec sagesse, afin de maintenir les différents équilibres qui nous entourent.
La Tunisie gagnerait à avoir une femme chef du gouvernement. Les femmes sont autrement plus pondérées, justes et économes.