Reconnaissons-le, cette dernière décennie n’a pas été en faveur des femmes tunisiennes sur tous les plans ! Certes sur le plan juridique, les femmes tunisiennes ont continué à bénéficier des mêmes droits prévus dans la législation, mais c’est l’environnement socio-culturel qui a changé.
En politique, la femme tunisienne a été mise au second plan. Donnant l’impression qu’elle n’est pas capable, à quelques exceptions minimes, d’être à la tête de Ministères ni de gérer la chose publique. Sur le plan socio-économique, les femmes se sont appauvries. Sur les deux millions de Tunisiens qui vivent sous le seuil de pauvreté, plus de 50% sont des femmes et la pandémie n’a fait qu’aggraver la situation. Quant au plan culturel et celui des libertés fondamentales, la situation a été dramatique avec la remise en cause des acquis de la femme tunisienne. L’impact de l’islam politique a été dévastateur sur leur situation. A l’exception d’une certaine élite économique qui s’est vue plus ou moins épargnée, la majorité des femmes a vu ses droits et libertés se réduire due à l’imposition de nouvelles normes sociales par l’islam politique.En effet, les normes sociales ont souvent plus de force que la loi elle-même. Mon expérience professionnelle internationale de ces dernières 20 années m’a appris que la majorité des experts nationaux et internationaux n’ont ni la capacité de comprendre, d’analyser et encore moins de transformer ces normes sociales discriminatoires et de proposer les solutions capables de créer un environnement qui assure la primauté des droits de toutes les femmes !
Cet article se propose de répondre à trois questions. Ce 25 juillet, la chute libre du parti Ennahdha, qui a fait de la religion son fonds de commerce, va-t-elle permettre aux femmes tunisiennes de reprendre le rôle primordial qu’elles ont toujours eu, même avant l’indépendance? Au cas où le nouveau gouvernement ne choisit pas la parité totale entre les hommes et les femmes comme le prévoit l’article 46 de la Constitution[1], que doivent-elles faire? Quelles positions vont prendre les femmes tunisiennes qui ont été trompées par le discours mensonger et les interprétations erronées de l’Islam, prônés par le parti Ennahdha et ses alliés?
- La chute d’Ennahdha, ce 25 Juillet, va-t-elle permettre aux femmes tunisiennes de reprendre le rôle primordial qu’elles ont toujours eu?
L’islam politique est beaucoup plus que le parti Ennahdha et ses alliés. En fait c’est une organisation mafieuse internationale (dernier fief des frères musulmans) qui machiavéliquement a eu le culot et l’indécence de prendre la religion comme étendard. Afin de légitimer tous ses actes, même les plus odieux.
La chute de ce parti ne veut pas dire qu’il a disparu, ni qu’il n’aura plus aucune emprise sur la vie des Tunisiennes et Tunisiens. C’est une pieuvre aux longues tentacules qui va revenir sous un autre déguisement. Car elle est soutenue par tellement de forces étrangères de la région et d’ailleurs. En outre, elle a infiltré tellement d’institutions publiques et privées dans presque tous les domaines, comme un cancer qui s’est propagé sournoisement dans le corps d’une nation pour l’affaiblir.C’est l’idéologie extrémiste, contraire aux droits humains qu’il prône, qui doit disparaitre. Commettre l’erreur de couper une ou deux tentacules d’une pieuvre est suicidaire. Puisqu’elle utilisera toutes les autres pour vous asphyxier.
Et c’est ici que les femmes tunisiennes devront entrer en scène avec force et courage. Car du courage, il en faudra pour oser affronter et éliminer le monstre. Les femmes doivent utiliser leur intelligence émotionnelle et leur instinct qui leur permettent de sentir le danger. Or cette fois-ci les femmes tunisiennes ne pourront pas se payer le luxe d’éviter le danger, elles doivent puiser en elles tout le courage possible afin de combattre la bête immonde et la vaincre. Elles le feront grâce à l’éducation, la culture, l’art, l’écriture, le beau et l’esthétique… Bref elles devront prôner la culture de la vie face à la culture de la mort qu’a toujours défendue l’islam politique.
- Au cas où le nouveau gouvernement ne choisit pas la parité totale entre les hommes et les femmes, que doivent-elles faire ?
Ce serait une très grave erreur car le Phénix Tunisie ne renaîtra de ses cendres que grâce à ses deux ailes! Ne pas avoir 50% de femmes dans toutes les assemblées élues et au sein du gouvernement, c’est s’amputer de la deuxième aile qui permettra au Phénix de voler très loin et très haut dans le ciel. Ne pas le faire c’est condamner le Phénix à rester à ras le sol, sans aucune chance de pouvoir démontrer au monde ce dont il est capable! Mais les femmes tunisiennes ne le permettront pas car il y va de l’avenir de la Tunisie et du futur des nouvelles générations dont elles doivent se sentir responsables.
- Quelles positions vont prendre les femmes tunisiennes qui ont été trompées par le discours mensonger du parti Ennahdha et les interprétations erronées qu’il a fait de l’Islam?
Je respecte toutes les décisions qu’elles vont prendre car elles sont libres. Mais il est très important qu’elles les revisitent. Ces décisions incluent celles de se voiler, de ne pas travailler, de croire réellement qu’elles sont inférieures aux hommes, que le Coran permet que leur mari les batte, ou qu’il peut prendre une seconde épouse. Je les invite à relire le texte sacré, et à en discuter avec des femmes exégètes tunisiennes admirables qui peuvent les aider à mieux comprendre ce texte. Par ailleurs, j’espère que les parents qui voilent leur petite fille de six ou huit ans et même plus, révisent leurs décisions car ils les dépossèdent de leur innocence et leur font croire qu’elles sont simplement un corps convoité par les hommes. Le message qu’ils donnent d’ailleurs aux hommes en faisant cela est qu’ils sont tous pédophiles.
J’invite aussi le Président de la République à revoir sa position vis-à-vis de l’égalité dans l’héritage et à modifier l’article premier de la Constitution car c’est sur la base de cet article que Ennahdha s’est vue accorder le visa pour fonder un parti politique basé sur la religion.Ce sera un très beau cadeau pour les femmes tunisiennes pour fêter ce 13 Aout, 2021.
Le 25 Juillet 2021 apparait comme la deuxième partie de l’insurrection de 2011, et une chance réelle pour la femme tunisienne de retrouver la position qu’elle a toujours eu et ouvre la porte à de nouveaux acquis lui donnant ainsi la place qu’elle a toujours été censée avoir.
S’il y a une leçon à retenir de la dernière décennie c’est que les acquis de la femme sont solides et fragiles à la fois, rien n’est éternel, et il faut rester aux aguets car comme dit Jefferson : « La vigilance est le prix de la liberté ».
[1]Article 46 :« L’Etat s’engage à protéger les droits acquis de la femme et œuvre à les renforcer et à les développer. L’Etat garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme quant à l’accès à toutes les responsabilités et dans tous les domaines. L’Etat œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues. L’Etat prend les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre la femme ».
Par Khadija Taoufik Moalla