Sans surprise, la croissance économique au deuxième trimestre 2021 a été décevante. Soit -2% par rapport au premier quart de l’année; malgré la hausse de 16,2% en rythme annuel. Un effet de base favorable a permis ce saut purement technique. Nous restons encore loin des chiffres de 2019. Et à ce rythme, nous ne les retrouverons pas avant 2023.
Les industries manufacturières se sont distinguées, après le revers de l’année dernière. Avec +53% dans la valeur ajoutée du Textile, Habillement et Cuir; +63,5% dans les Matériaux de construction Céramique et Verre; et +56,7% pour les IME. Même en rythme trimestriel, il y a eu une amélioration avec des hausses respectives de croissance de 3,4%, 3,9% et 1%. Par rapport au premier trimestre, seules les industries Agroalimentaires ont affiché une baisse.
Principaux chiffres
Les industries non manufacturières ont également signé une amélioration de 24,1% pour l’extraction des Produits miniers, de 10,3% pour la Construction et 16,3% pour l’extraction du pétrole et du gaz naturel. Mais par rapport au premier trimestre, à noter un recul dans la valeur ajoutée de ces deux dernières activités respectivement de 17,1% et de 2,9%.
Les services marchands ont été marqués par une nette amélioration de la valeur ajoutée des services d’Hôtellerie, de Café et de Restauration (+104,7%), de Transport (+22,9%) et d’Information et Communication (+21,1%). Mais en rythme séquentiel, la baisse a concerné l’Hôtellerie, Café et Restauration (-35,2%) et le Transport (-20,9%). Le secteur de l’Information et Communication est au vert avec une hausse de sa valeur ajoutée de 5,7%.
Tendance à la hausse du chômage
Naturellement, le chômage avait suivi la même tendance. En effet, 18 300 personnes ont perdu leurs emplois au second trimestre 2021. Portant le nombre de chômeurs à 746 400. Le taux de chômage est à 17,9%. Il s’est aggravé de 0,4% chez les hommes (15,4%) et a diminué de 0,2% chez les femmes à 23,6%.
Feuille de route à court terme
L’INS a confirmé donc ce que la majorité des analystes attendaient. Inutile de revenir aux causes qui sont connues. Il faut se pencher plutôt sur les solutions. En réalité, les pistes de sorties sont également claires. Mais en tenant compte de la spécificité du cas tunisien, rien n’est évident. Pour être réaliste, la priorité devra concerner trois principaux axes à court terme.
La première priorité est de constituer un Gouvernement. Nous avons déjà raté les deux premiers mois du troisième trimestre à cause de la situation sanitaire et à l’absence d’horizons politiques. Le Président a pris suffisamment de recul aujourd’hui pour qu’il puisse nommer la bonne personnalité au poste de Chef de Gouvernement. Les pressions étrangères, à l’instar de celles des Etats-Unis qui n’ont pas mâché leurs mots, seront plus intenses si les 30 premiers jours s’achèvent sans avancée sur ce plan.
La seconde priorité est le retour à un fonctionnement normal de l’économie. La campagne de vaccination, qui a changé de vitesse, doit encore s’accélérer pour attaquer la rentrée avec tous les moyens du bord. Avec le retour de la production minière, tous les moteurs pourront retrouver le rythme normal d’ici le mois d’octobre.
La troisième priorité est la restauration de la confiance dans les institutions publiques. Avec ce qui se passe actuellement dans le corps de la magistrature, les investisseurs étrangers penseront deux fois avant de mettre leur argent ici. Il faut changer les lois qui régissent la gouvernance des entreprises, la fiscalité et l’ensemble des procédures. Cela ne coûtera rien à l’Etat et la plupart des réformes sont prêtes.
Sauver la mise
Si la Tunisie parvient à avancer sur ces trois axes de croissance d’ici la fin de l’année, nous pouvons confirmer qu’elle est sur la bonne voie. Le contexte actuel ne permet aucune marge de manœuvre dans le sens des réformes économiques. Le Président, qui ne cesse de se réunir avec les représentants des chambres syndicales des différents secteurs pour réclamer la baisse des prix, ne peut pas réduire les subventions ou privatiser des entités publiques. Il semble profondément convaincu que le pays est riche et que ceux qui l’ont exploité doivent restituer les fonds spoliés durant des années.
C’est au futur Chef de Gouvernement de rectifier le tir de l’action de l’Etat. Il aura la lourde mission de négocier avec des bailleurs de fonds internationaux qui ne seraient pas flexibles. Toutefois, il pourra au moins se justifier par la réalisation des priorités que nous venons de présenter. Autrement, les fondamentaux de la croissance ne seront pas au rendez-vous. Et il faut plutôt préparer un dossier solide pour affronter les membres du Club de Paris.