Lors de son intervention, hier lundi, devant des cadres sécuritaires dans l’enceinte du commissariat de l’aéroport Tunis-Carthage, le président de la République a tenu à rassurer ceux qui craignent la restriction du droit de la circulation. En effet, ces mesures sont provisoires. Mais « certaines personnes devront rendre des comptes à la justice avant de pouvoir voyager de nouveau », déclarait Kaïs Saïed. Décryptage du discours présidentiel.
Coup d’Etat à Tunis, mais transmission « pacifique » du pouvoir politique à Kaboul, selon la chaîne satellitaire qatarie Al Jazeera? Plongés dans la torpeur de cet été caniculaire qui n’en finit pas, les Tunisiens suivaient avec horreur les scènes insoutenables de ces Afghans abandonnés à leur triste sort par l’Oncle Sam. Et qui s’accrochaient, au péril de leur vie, aux roues géantes de l’Air Force One, afin de fuir la barbarie des Talibans. Quand Kaïs Saïed les rappela à leur train-train quotidien, lors d’une visite inopinée qu’il a effectuée hier, lundi 16 août 2021, à l’aéroport de Tunis-Carthage.
Le oui, mais du Président
Le visage tendu, le ton saccadé, s’adressant à des cadres sécuritaires dans le commissariat de l’aéroport qui ne pipaient pas mot, le président de la République est revenu sur cette décision délicate et controversée d’interdiction de voyager imposées aux élus gelés et à certains hommes d’affaire.
Ainsi, il a tenu à dissiper les inquiétudes sur la violation du droit de la circulation. Un droit fondamental gravé noir sur blanc dans la Constitution.
« La liberté de déplacement est un droit constitutionnel que je m’engage solennellement à garantir. Mais certaines personnes devront rendre des comptes à la justice avant de pouvoir voyager de nouveau ». Ainsi assurait le Président, lors de son discours.
« Ces mesures sont destinées aux personnes soupçonnées de corruption, de terrorisme et d’évasion fiscale. Les individus recherchés par la justice ou qui font l’objet de soupçons de corruption sont appelés à régulariser leur situation. La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous ». C’est ce qu’a rappelé le chef de l’Etat sur un ton martial.
Des mesures pour les terroristes et les ripoux
Pour preuve, argumentait le président de la République, « certaines personnes venant des zones de tensions arrivent en Tunisie avec des identités factices. D’autres portent des passeports avec la mention homme d’affaires dans la case profession ne sont que des intermédiaires qui spolient l’argent du peuple ».
Et d’enfoncer le clou : « Les terroristes et ceux qui volent l’argent du peuple doivent rendre des comptes et doivent être empêchés de transférer des fonds vers l’étranger. Un seul d’entre eux a déjà transféré 80 milliards au Luxembourg, sans parler des traitres qui incitent l’opinion publique contre la Tunisie en parlant de dictature ».
« Si j’avais l’intention de priver les Tunisiens de leur droit de se déplacer à l’étranger ou de revenir dans leur pays, nous aurions fermé les frontières le 25 juillet, mais nous ne l’avons pas fait ».
Et que répondre à ceux qui dénoncent un coup d’Etat et qui crient à la dictature ? « Si c’était une dictature, nous aurions pris des mesures différentes. Or, il n’y a ni potences, ni fusillades », rétorqua le Président, mi-agacé, mi-amusé.
« Aucun retour en arrière » dixit Kaïs Saïed
Enfin, s’adressait directement aux dirigeants d’Ennahdha, « ceux qui nourrissent l’illusion d’imposer une feuille de route ou un dialogue ». Le président de la République a assuré que le gouvernement sera mis en place prochainement. Et que « tout se fera désormais, selon la ligne tracée par la volonté du peuple tunisien, et rien que selon cette ligne ». Ajoutant qu’il n’aura « aucun retour en arrière ».
Alors, le Président pense-t-il à un régime présidentialiste qui réponde à la « volonté du peuple tunisien? En activant l’article 136 du Code électoral, afin de faire tomber le Parlement comme un fruit mûr?
Plus encore, s’oriente-t-il vers un amendement de la Constitution par recours au referendum? L’échéance couperet du 25 août est dans quelques jours. Et le Premier ministre n’a pas encore été nommé, ni la feuille de route clairement tracée. Or, la politique, à l’instar de la nature, a horreur du vide.