Depuis son installation au pouvoir en 2011, Ennahdah a manifesté une certaine avidité. En mettant en place un système verrouillé lui assurant l’essentiel du pouvoir ou du moins contraindre les autres acteurs à passer par lui. L’édifice ne pouvait tenir trop longtemps debout !
Qui veut tout perd tout. Ce proverbe illustre bien le vécu d’Ennahdah depuis 2011 et plus précisément depuis la mise en place de la Loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs public du 10 décembre 2011. Un texte par lequel le mouvement islamiste a voulu dès le départ du processus révolutionnaire mettre la main sur les rênes du pouvoir.
Confirmant par ce texte, comme par celui du reste de la constitution de janvier 2014, une certaine avidité qui sied à ses ambitions. Comptant, dans ce cadre, sur son poids au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) avec ses 89 députés sur les 217 que compte cette assemblée.
Faire et défaire les alliances
Un poids qui fait, selon sa vision, de ce mouvement le principal détenteur de l’essentiel des pouvoirs et sans lequel il est difficile, du moins, de ne pas faire avec. Parce qu’en plus de la direction du parlement et du vote des lois, il laisse à Ennahdah une large latitude au niveau du choix du président de la République et du chef du gouvernement.
Un schéma qui n’a pas beaucoup varié avec la constitution de 2014 exception faite du choix du chef de l’Etat qui n’est plus certes élu par l’ARP, mais dont les pouvoirs sont limités le laissant maître de deux domaines que l’on dit « réservés » : la défense et les Affaires étrangères.
Les élections législatives de 2014 (69 députés) et de 2019 (54 députés) n’ont pas trahi cette avidité qui se mesure aussi à la capacité du mouvement à faire et défaire des alliances. Réussissant à satisfaire la volonté des uns et des autres, attirés par les ors de la République, de glaner des maroquins ministériels et d’une manière plus générale des fonctions à la tête de l’Etat. Et recourant, par ailleurs, à des arrangements et à des corrections qui lui semblaient nécessaires au sein de l’appareil de l’Etat pour asseoir son pouvoir.
Un ordre établi
Cela ne pouvait du reste marcher à tous les coups. Car, les partis politiques, y compris ceux qui ont fait un chemin avec Ennahdah, la société civile et les intellectuels ont compris assez vite de quoi il en était. Comme les trois présidents de la République qu’a connus la Tunisie de l’après 2011 et qui se sont rebellés à un moment ou à un autre contre cet ordre établi.
Réagissant à leur manière pour tordre le cou à un système verrouillé qui comme tous les systèmes de ce type ne peut que provoquer une adversité. Et à force de durer, celui-ci n’a pu qu’envenimer la situation. C’est ce qui du reste arrive en cette année 2021 au cours de laquelle les exagérations du mouvement islamiste et la pandémie ont rendu le vécu imposé par Ennahdah insoutenable.
C’est sous cet angle que les mesures prises par le chef de l’Etat le 25 juillet 2021 doivent être notamment comprises et analysées. C’était du trop c’est trop. Comment vouloir ôter, par exemple, à un président de la République, seul magistrat élu au suffrage universel par tous les Tunisiens, et qui a gagné la Présidentielle de 2019 avec 72,71 % des voix, le droit de s’impliquer dans les affaires de l’Etat en dehors des domaines dits réservés. Un président auquel on a offert des prérogatives bien en-deçà évidemment de la confiance dont il a bénéficié de la part des électeurs.
L’édifice ne pouvait tenir trop longtemps debout !