Alors que l’Algérie panse ses blessures après les incendies apocalyptiques qui ont ravagé plusieurs régions du nord du pays, notamment les montagnes kabyles, les scènes atroces du lynchage d’un jeune volontaire injustement accusé d’être un pyromane ont suscité une immense émotion.
« Je vais mourir injustement! Donnez-moi de l’eau, je n’arrive plus à parler! Les Kabyles sont des hommes, ils ne font pas ça… Dites-leur de patienter, ils vont le regretter ». Tel était le dernier cri désespéré de Djamel Bensmaïl, un jeune algérien lynché, brûlé vif et décapité par une foule hystérique.
Pour quel crime? Le malheureux s’est rendu à Larbaâ Nath Irathen, dans la wilaya de Tizi Ouzou, en tant que volontaire pour aider à lutter contre les incendies énormes qui ont ravagé les montagnes kabyles en Algérie, faisant 90 morts dont 33 militaires.
Immense émotion en Algérie
En Algérie, l’émotion est immense. Horrifiés par tant de cruauté et de bestialité, bombardés quotidiennement par les scènes apocalyptiques des incendies qui ravagent plusieurs régions du nord et du nord-est du pays, les Algériens ont été témoins en direct de scènes atroces et insoutenables filmées par des dizaines de personnes et largement relayées par les réseaux sociaux.
Ainsi, mardi 17 août, la police algérienne a annoncé l’arrestation de 25 nouveaux suspects. Après un premier coup de filet qui avait permis l’interpellation de 36 personnes, dont trois femmes, soupçonnées d’avoir participé à l’assassinat du jeune algérien.
Pourtant, il était un bénévole
Djamel Bensmaïl, artiste peintre de profession, avait quitté Miliana, sa ville d’origine pour apporter son aide aux habitants de Kabylie. Une région qu’il connaissait et appréciait, selon ses proches.
Des témoignages vidéo de personnes de Miliana dont le trentenaire est originaire, témoignent que Djamel Bensmaïl s’était, en fait, rendu en Kabylie pour participer aux secours et aider face aux incendies. Selon ces témoignages, il était un jeune artiste, actif dans la société civile, chanteur et grand amoureux de la nature. D’ailleurs, la veille même de son lynchage, Djamel récoltait de l’argent pour les sinistrés de Kabylie. Avant de quitter Miliana à six heures du matin, le 11 août dernier, pour venir en aide à cette Kabylie qu’il aimait tant.
La méprise
Mais que c’est-il passé au juste pour que le drame arrive? Alors que les flammes menacent encore de nombreux hectares de forêt, dans le village de Larbaa Nath Irathen, épicentre de l’incendie, près de Tizi Ouzou, en Kabylie, un homme est suspecté par des locaux d’avoir tenté d’allumer un feu. Apprenant ces soupçons, Djamel Ben Ismaïl se rend à la police. Mais il n’aura pas le temps de donner complètement sa version des faits.
Selon le Parquet de Larbaâ Nath Irathen, « des citoyens ont appréhendé trois individus à bord d’un véhicule, soupçonnés d’être impliqués dans le déclenchement des feux de forêt dans la région. La police est intervenue en constatant que les trois personnes (dont Djamel Bensmaïl) ont été battues par ceux qui les ont appréhendées.
Alors, la police est intervenue pour les sauver et les transférer au commissariat. Mais ce même groupe s’est attaqué au commissariat et a pu faire sortir un des individus suspects. Il l’a traîné à l’extérieur du commissariat, jusqu’à la place du centre-ville où il l’a lynché et brûlé; ce qui a causé sa mort ». Atroce.
De la grandeur
Et que dire des paroles dignes et pleines de sagesse du père de la victime qui, dès l’annonce de l’identité de son fils injustement assassiné, a tenu à ne pas attiser le feu de la vengeance. « Mon fils souhaitait que sa mort rassemble les Algériens et c’est ce qui vient de se passer. Nous espérons que c’est lui qui rassemblera les Algériens. Nous ne voulons pas la division. Car nous sommes tous des Algériens, il n’y a aucune différence. Les Kabyles sont nos frères, nos amis. Nous avons des liens de parenté avec eux, notre sang est mêlé. Nous ne voulons pas que quelque chose sème la discorde entre nous ».
Une leçon de sagesse, de grandeur d’âme et de patriotisme venant d’un père meurtri dans sa chair par la bêtise des hommes. Grandiose !