Le président est en colère. Il tape du poing sur la table. Il s’emporte contre la justice et il a raison. Il exprime les mêmes frustrations et la même amertume que ressent le citoyen ordinaire face aux graves dysfonctionnements qui affectent l’appareil judiciaire depuis le jour où le parti islamiste a fait main basse sur l’Etat et ses institutions.
Comment peut-on avoir confiance en des magistrats qui envoient derrière les barreaux de pauvres bougres pour des broutilles, mais laissent en liberté une juge épinglée par la douane alors qu’elle transportait une forte somme d’argent sale pour le compte d’un réseau de trafic de devises ?
Comment le citoyen ordinaire ne nourrit pas de suspicions à l’égard d’un appareil judiciaire où les terroristes et les corrompus sont protégés par le procureur de la République et le premier président de la Cour de cassation ?
Et comment les justiciables ne peuvent pas ne pas s’inquiéter quand le système judiciaire censé leur rendre justice échoue à élucider les assassinats politiques qui tiennent en haleine tout un peuple depuis des années ? A poursuivre en justice les responsables de l’envoi de milliers de jeunes désœuvrés combattre dans les rangs des organisations terroristes les plus sanguinaires ? A traîner devant les tribunaux les prédateurs dont la cupidité, la voracité, la rapacité et la vénalité ont détruit l’économie, mis le pays à genoux et réduit le peuple à la mendicité ?
« Circuits d’affamement du peuple »
Le président est en colère. Il s’emporte contre les spéculateurs, responsables de l’affamement du peuple. « Il n’y a pas lieu d’être tolérant avec celui qui tente d’accaparer la subsistance des Tunisiens », martèle-t-il. Il met à l’index la politique criminelle de distribution des produits agricoles. L’exemple donné par Kais Saied de l’agriculteur qui vend le kg de tomates à 300 millimes que le consommateur achète à deux dinars est éloquent à cet égard.
Le président est révolté. Il a raison. Alors il organise des visites inopinées à ce qu’il appelle « les circuits d’affamement du peuple ». Il se rend aux centres de réfrigération des produits agricoles de Tebourba et Jedaida. Le président fonce tout droit vers Fouchana pour inspecter une entreprise de matériaux de construction soupçonnée de spéculation.
Il finit par se rendre compte que le travail du président de la République ne consiste pas à parler sans cesse des prix des oignons, des patates et des barres de fer. Ce n’est pas à lui de dresser la liste des spéculateurs et de leur faire la chasse.
L’hydre à double tête terrassée
Mais il ne suffit pas de faire le constat. Il faut aussi désigner les responsables de cet état de fait. Il faut se rendre à l’évidence que si la Tunisie affiche honteusement sa réputation de premier exportateur mondial de terrorisme ; si elle est passée du rang de grand exportateur de phosphates à celui d’importateur ; si des assassinats politiques qui ont bouleversé tout un peuple restent à ce jour non élucidés ; si une juge qui se met au service des réseaux de corruption et de trafic de devises bénéficie de la mansuétude de ses collègues, si des milliers de terroristes trouvent jusqu’à ce jour aide et protection, c’est parce que la justice a choisi durant la décennie noire de traîner les pieds. De regarder ailleurs. De se laisser infecter par le virus mis au point dans « les laboratoires de Montplaisir »…
Les bonnes nouvelles sont rares dans ce pays, mais il y en a quelques-unes. Par exemple, les succès enregistrés par la double campagne de désinfection du Covid-19 et du virus de l’islam politique. Le premier est en train d’être affaibli à coups de vaccins. Le second est en train d’être terrassé à coups de nominations salvatrices aux postes clés du ministère de l’Intérieur, des gouvernorats et autres institutions vitales. A coups de nettoyage à grande eau des administrations détournées de leur mission de services publics par le parti islamiste.
Se débarrasser de ses éléments corrompus
Mais la meilleure bonne nouvelle est incontestablement du côté de la justice. Après la suspension du procureur de la République Béchir Akremi et le transfert de son dossier devant le ministère public, le Conseil de l’Ordre judiciaire vient de prendre une autre décision salvatrice. Le premier président de la Cour de cassation, Taieb Rached, est suspendu à son tour et son dossier est déféré devant le ministère public.
L’hydre à double tête qui a protégé pendant des années les terroristes et les corrompus vient d’être terrassée. Terrassée, mais pas décapitée. En attendant le verdict que l’écrasante majorité des Tunisiens souhaitent exemplaire. En espérant que se poursuive la chasse aux petits serpents que l’hydre a laissés derrière elle dans les arcanes de l’administration judiciaire.
Car comme tout le monde sait, rien ne marchera dans ce pays tant que le corps judiciaire ne s’est pas débarrassé de ses éléments corrompus qui n’ont fait que ternir sa réputation et mettre des bâtons dans les roues de la justice.