De longues années d’exil et d’éloignement –du reste forcé- en Grande-Bretagne sont-elles aussi à l’origine de la mauvaise gouvernance d’Ennahdah? Notamment au niveau du choix d’un régime parlementaire?
La situation est cependant plus compliquée : Ennahdha a décidé d’adopter pour ses instances la culture du chef. Un chef qui a, pour l’essentiel, le dernier mot concernant la conduite à tenir au niveau du parlement et même pour les ministres appartenant au mouvement.
Ennahdha semble avoir tout faux. Maintenant que son bâti s’est écroulé, il est sans doute utile de comprendre pourquoi. L’avidité exprimée au niveau de la gestion de l’Etat ne peut, à ce titre, tout expliquer. Nous l’avons évoqué précédemment du reste dans un article publié ici le 18 août 2021 sous le titre suivant: Ennahdah , voici pourquoi son système n’a pas tenu.
Une autre lecture du passif du mouvement islamiste, qui a participé à l’essentiel des gouvernements depuis 2011, peut conduire à s’interroger sur une autre raison: une méconnaissance du pays et de ses règles de gouvernance.
D’ailleurs, ce qui se passe sous nos yeux depuis le 25 juillet 2021 nous autoriserait peut-être à penser que le système politique mis en place ne sied pas autant que cela au peuple tunisien.
Il s’agit d’une réflexion qui mérite d’être approfondie par les sociologues et au travers d’une étude également approfondie.
Ce qui n’empêche pas d’émettre une hypothèse qui n’est pas évidemment celle de chercheurs, mais de journalistes qui observent le vécu et tentent aussi d’émettre des conclusions, seraient-elles hâtives et qui mériteraient d’être précisées.
Une quasi dévotion pour les figures de notre histoire
Le vécu du Tunisien le pousse-t-il plutôt à adhérer à un système présidentiel plutôt qu’un système parlementaire? La culture du chef à l’heure de laquelle il a vécu n’y est-elle pas pour quelque chose?
Les présidents Bourguiba et Ben Ali, qui ont été aux commandes du pays pratiquement sans partage pendant de longues années, ont-ils enraciné cette culture du chef et favorisé l’adoption de celle-ci.
Certains diront que cette culture du chef est perceptible bien avant l’indépendance. Pendant de longues années au cours desquelles le pouvoir était essentiellement dans les mains des Emirs, des Beys, des Deys, des Kadi, …
Cela n’est-il pas prouvé par la quasi dévotion que l’on observe à l’égard des figures de notre histoire à l’endroit de personnalité de premier plan qui ont marqué les différentes étapes du mouvement tunisien; de Kheireddine Pacha à Habib Bourguiba en passant par Moncef Bey et Farhat Hached.
Un parlementarisme de façade?
Une réalité que l’on voit bien au-delà de la Tunisie. Y compris dans les pays développés du Nord plus nourris que nous autres Tunisiens à la sève de la démocratie. Comme en France où dans les années soixante un des ministres du Général De gaulle, René Capitant, « s’opposait à l’idée libérale de l’affaiblissement de l’État. Il voulait un pouvoir incarné par une seule personne, pour favoriser l’identification du peuple autour de grandes figures » (source : Un chef, pour quoi faire ? Entretien avec Jean-Claude Monod, Propos recueillis par Hugo Albandéa, Les grandes idées politiques, Edition du Seuil, 2012).
Beaucoup dirait que c’est à la limite humain. Quoi qu’il en soit, le choix d’Ennahdha pour un régime parlementaire est dû en apparence au fait que ses dirigeants ont perdu contact avec la réalité.
Cela s’explique-t-il par de longues années d’exil et donc d’un éloignement –du reste forcé- du pays? Notamment en Grande-Bretagne, pays où le parlementarisme a droit de cité.
On pourrait, cela étant, dire qu’Ennahdha n’a pas cru bon de choisir pour sa gouvernance un autre système que celui du chef. Cela est ainsi bien visible au niveau de ses instances du mouvement. Il faudra ajouter, dans ce cadre, que ce chef a pour l’essentiel le dernier mot concernant, à ce qu’on dit, la conduite à tenir au niveau du parlement et même pour les faits et gestes des ministres appartenant au mouvement.
Un parlementarisme de façade ?