Le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamara, annonçait la rupture des relations diplomatiques avec le voisin marocain. Retour sur une décision qui met en relief les relations houleuses entre les deux frères ennemis du Maghreb.
Stupeur dans le Maghreb et dans le monde. Mais que s’est-il passé d’aussi grave et d’aussi urgent pour que la diplomatie algérienne, réputée pour sa pondération et son réalisme, ne se décide à franchir le Rubicond? Et ce, par une rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc voisin.
Une décision lourde de conséquences
C’est lors d’une conférence de presse que le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamara, déclarait, hier mardi 24 août 2021, que son pays prenait cette décision lourde de conséquences. Et ce, en raison « d’actions hostiles du royaume à l’égard de son pays ». Faisant porter le chapeau aux dirigeants du royaume. Lesquels seraient responsables à ses yeux « des crises répétées qui se sont aggravées ». Un comportement qui « entraîne le conflit au lieu de l’intégration dans la région ».
Par conséquent, « L’Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le royaume du Maroc; à partir de ce jour ». Ainsi concluait le chef de la diplomatie algérienne.
Mais pour les observateurs les plus avertis, le feu couvait sous la cendre ces dernières semaines.
La Kabylie, une ligne rouge pour Alger
Déjà, la présidence algérienne avait annoncé, le 18 août dernier, vouloir « revoir » ses relations avec le voisin marocain. Son ambassadeur à Rabat fut rappelé pour « consultations à effet immédiat ». Motif? Le frère ennemi marocain est accusé d’implication dans les incendies gigantesques qui ont ravagé le nord du pays. Et notamment les montagnes kabyles, en faisant 90 morts dont 33 militaires. Aux yeux d’Alger, ces feux dévastateurs ont été déclenchés par des groupes qualifiés de terroristes, dont l’un serait soutenu par Rabat.
Ces accusations gravissimes sont-elles fondées? La vérité c’est que Rabat aurait franchi la ligne jaune en ouvrant la boîte de Pandore de l’autonomie de la Kabylie. Le point de rupture, un sujet tabou qui irrite les responsables algériens au plus haut point. Car à leurs yeux toute velléité indépendantiste de cette région berbérophone est une grave atteinte à l’unité nationale.
Or, lors d’une réunion du Mouvement des non-alignés, les 13 et 14 juillet à New York, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU faisait passer une note. Note dans laquelle il estimait que « le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».
Bien entendu, l’ambassadeur marocain lançait cette bombe médiatique par pique à Alger, en raison de son soutien inconditionnel au Front Polisario.
Le récurrent dossier du Sahara occidental
Car, c’est bien la question du Sahara occidental qui ne cesse d’envenimer les relations entre Alger et Rabat. Un point de rupture de plus. D’autant plus que fin 2020, Rabat normalisait les relations diplomatiques avec Israël. Et ce, en contrepartie d’une reconnaissance par Washington de la « souveraineté » marocaine sur ce territoire. Une décision considérée comme un coup de poignard par les autorités algériennes. Lesquelles dénoncèrent des « manœuvres étrangères » visant à déstabiliser l’Algérie.
Le jeu pernicieux d’Israël
Cerise sur le gâteau. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid était en déplacement au Maroc les 11 et 12 août en cours. La première visite d’un haut responsable israélien depuis l’annonce de la normalisation des relations entre les deux pays. A cette occasion, il exprimait ses « inquiétudes au sujet du rôle joué par l’Algérie dans la région, son rapprochement avec l’Iran. Et la campagne qu’elle a menée contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine ».
Sachant que l’Algérie s’opposait fermement à la décision de l’Union africaine le 22 juillet, d’accorder un tel statut à l’État hébreu. En effet, Alger signait, le 3 août, une note désapprouvant cette décision. Avec le soutien de six autres représentations diplomatiques étrangères (Égypte, Tunisie, Comores, Djibouti, Libye et Mauritanie). Et l’Algérie obtenait in fine que celle-ci soit réexaminée.