Ce qui s’est passé samedi dans la plus grande usine locale de fer ne doit pas être résumé à une simple situation de spéculation sur les prix. C’est effectivement l’un des problèmes chroniques qui bloquent l’économie tunisienne.
Le stockage de 30 000 tonnes de fer dans une unité qui produit annuellement 200 000 tonnes montre clairement que le rythme d’approvisionnement des clients ne se déroule pas correctement. Le marché est fortement demandeur et les prix ont automatiquement flambé. L’hypothèse de mauvaise foi est difficilement réfutable.
Entre le marteau et l’enclume
Pour les professionnels, réclamer une révision des prix est légitime à cause de la hausse des cours des minerais de fer sur les marchés internationaux. Si nous prenons le cas des prix des fines de minerai de fer 62%, le prix est passé de 169,62 dollars par tonne le 1er janvier 2021 à 214,14 en juillet 2021; soit un saut de 26,2%. Avec les frais d’importation et les risques de change, le coût de production a augmenté et les marges des producteurs se sont effritées.
Face à ce phénomène, les prix de vente sont réglementés et leur rééquilibrage passe par une longue procédure administrative. Ce retard dans la prise de décision crée des opportunités d’arbitrage qui peuvent conduire à des situations d’assèchement de marché.
Indexer les prix de vente sur le cours des matières premières
Résoudre ce problème dans l’ensemble du secteur industriel passe par une plus grande flexibilité au niveau des prix de vente. Nous ne pouvons pas réclamer à un investisseur de sacrifier ses marges. Car ses créanciers ou ses salariés ne vont pas lui pardonner le moindre manquement. C’est vrai que cela permet de contrôler les prix des matières sensibles, mais du point de vue économique c’est loin d’être efficient.
La solution est simple: indexer les prix de vente sur le cours de matière première. Le rôle du Ministère du Commerce et du Développement des Exportations va donc radicalement changer. Au lieu de perdre son temps dans l’étude des demandes révision des prix et de convocation de commission; son rôle sera de fixer la base de calcul des prix de matières premières. Il peut être calculé de manière mensuelle avec une définition stricte des marges.
Cela va encourager les professionnels à mettre en place des stratégies de couverture, d’anticiper les fluctuations des cours et donnera un nouvel élan à toute la finance de l’industrie tunisienne. Il faut profiter de ce cas pour offrir de nouvelles perspectives aux industriels. Et leur montrer que l’objectif n’est pas de faire du populisme; mais plutôt d’équilibrer le marché. Autrement, l’épisode de samedi sera un très mauvais message aux investisseurs qui ont le sentiment de se retrouver soudainement dans l’époque soviétique.