Le retrait américain honteux d’Afghanistan restera longtemps un exemple de faillite sur lequel se pencheront historiens, chercheurs universitaires et stratèges. Les générations futures qui liront les détails de cette débâcle dans les livres d’histoire seront très certainement éberluées. Il sera très difficile pour elles d’accepter l’idée que le plus riche pays du monde, doté de la plus puissante armée de la planète, puisse subir une défaite si humiliante. Par des bandes de « va-nu-pieds et anciens gardiens de chèvres », comme les Américains, au sommet de leur arrogance en 2001, appelaient alors les talibans.
Après vingt ans d’occupation ayant coûté deux trillions de dollars (2000 milliards de dollars) au contribuable américain, l’armée US se retire dans la honte, l’indignité et la confusion. Les officiers américains qui ont supervisé ce retrait humiliant doivent se rappeler avec envie le retrait soviétique d’Afghanistan, il y a près d’un tiers de siècle. L’armée russe était défaite; mais elle avait pu organiser un retrait ordonné. Malgré la défaite, elle avait pris le temps qu’il faut (entre mai 1988 et février 1989) de manière à n’abandonner ni ses morts, ni ses blessés, ni son arsenal militaire.
Trésor de guerre
Dans leur précipitation forcée de se retirer avant le 31 août minuit, les Américains ont abandonné des milliers de collaborateurs. Ils leur avaient pourtant promis de les amener loin des talibans. Ils ont abandonné, aussi et surtout, un arsenal militaire impressionnant.
Selon le blog spécialisé www.oryxspioenkop.com, le trésor de guerre sur lequel les talibans ont mis la main entre juin et août se compose de 2082 blindés légers de transport de troupes (type Humvee), une cinquantaine de canons ou mortiers lourds, 60 chars légers, 12 chars lourds.
Au niveau des avions, les talibans ont mis la main sur au moins deux avions, 24 hélicoptères et sept drones militaires.
Des journalistes travaillant pour les grandes agences de presse ont pu filmer des talibans posant devant des hélicoptères d’attaque Black Hawk. Tandis que d’autres brandissent des armes automatiques M4 et M16, des fusils de précision M24 utilisés par les tireurs d’élite. Des talibans en tenue de Marines américains circulent à bord de véhicules blindés équipés de lance-roquettes. Quant aux armes individuelles avec munitions, elles se comptent en millions.
Dans leur pire cauchemar, les Américains ne pouvaient pas imaginer une telle situation. Ils ont passé des années à mettre sur pied une armée à laquelle ils comptaient confier la défense de l’Afghanistan. Ils ont dépensé près de 90 milliards de dollars pour la former et l’équiper d’armement moderne, d’avions de chasse et d’hélicoptères de combat.
Tout ce matériel évalué en milliards de dollars était entreposé dans des bases militaires de l’armée afghane, disséminées un peu partout dans le pays. Dans leur avancée fulgurante de juin à août, les talibans ont mis la main sur toutes ces bases militaires et leur contenu. Seuls 45 avions leur ont échappé. Des officiers de l’armée afghane, fuyant l’avancée fulgurante des talibans, ont pu les piloter jusqu’en Ouzbékistan.
Inquiétudes légitimes
Deux choses tourmentent les Américains. Toute honte bue, ceux-ci se demandent avec inquiétude si l’armement sophistiqué entre les mains des talibans ne finira pas entre les mains des « ennemis » chinois et russe qu’ils achèteraient au prix fort à des talibans désargentés.
Ils se demandent avec autant d’inquiétude aussi si les millions d’armes individuelles ne seront pas un jour utilisées par les terroristes contre les Américains et leurs alliés?
Il faut dire que ces inquiétudes américaines sont parfaitement légitimes. Les Chinois et les Russes qui se préparent à une coopération étroite avec les talibans, seraient certainement enchantés de ramener chez eux toute arme ou matériel sophistiqué américain et d’en percer le secret.
Quant au risque que les armes individuelles tombent entre les mais des terroristes, les talibans se veulent rassurants. En effet, ils jurent leurs grands dieux que l’Afghanistan ne sera jamais un refuge pour les terroristes.
Mais peut-on les croire? En 2001, ils avaient préféré l’invasion de leur pays par les Américains plutôt que de leur livrer le terroriste Ben Laden, responsable du plus grand attentat terroriste de l’histoire, contre les tours jumelles à New York et le Pentagone à Washington.
Les talibans ont changé après 20 ans de guerre? Pas tout à fait. Les Américains n’ont pas encore terminé totalement leur retrait qu’un ancien bras droit de Ben Laden, un certain Amin Ul Haq, a été accueilli en héros par les talibans. Pas seulement lui. Khalil Haqqani aussi. C’est un terroriste afghan notoire pour qui les Américains promettaient cinq millions de dollars de récompense à quiconque aiderait à sa capture. Ce Haqqani donc a débarqué lui aussi en Afghanistan, dès l’annonce de la victoire des talibans.
Que pensent de tout cela George W. Bush, Dick Cheney, Karl Rove, Colin Powell, Condoleezza Rice, Paul Wolfowitz et autres tarés de l’Etat fédéral américain? Lesquels, à l’époque, juraient d’éradiquer terrorisme et d’établir le démocratie en Afghanistan, en Irak et ailleurs?