Depuis l’action du 25 juillet qu’il a qualifiée de coup d’Etat, avant d’adoucir le ton, le leader du parti islamiste d’Ennahdha, Rached Ghannouchi perd ses repères. Ne tolérant aucune contestation dans son camp, il vient de sanctionner l’un de ses lieutenants, son ancien porte-parole Imed Hammami. On ne critique pas le chef impunément!
Chassez le naturel, il revient au galop. La démocratie n’étant pas de toute évidence inscrite dans l’ADN du mouvement islamiste d’Ennahdha, loin de là, le leader historique d’Ennahdha habitué à mener ses troupes à la baguette, ne tolère aucune contestation à son auguste personne; ni aucun écart à la ligne « officielle » du parti. Mais c’était avant le 25 juillet, et le cheikh Ghannouchi n’a rien vu venir, n’a rien su, n’a rien compris.
On ne critique pas le Duce
Face à la fronde de ses lieutenants, sans parler de la base qui s’effrite à vue d’œil, le cheikh entre dans une colère noire. Et c’est l’un des poids lourds d’Ennahdha qui en fait les frais.
Ainsi, à bout de patience, Rached Ghannouchi décidait hier, mercredi 1er septembre 2021, de geler l’adhésion d’Imed Hammami; avant de le traduire devant le conseil de discipline d’Ennahdha. Motif? « Transgressions répétées à la politique du Mouvement ». C’est la version officielle qui cache l’agacement du chef d’être constamment critiqué par son lieutenant.
Critiques acerbes
En effet, cet ingénieur de formation, ancien porte-parole d’Ennahdha et plusieurs fois ministre aussi bien dans le gouvernement de Youssef Chahed que celui d’Elyès Fakhfakh, s’est maintes fois opposé farouchement et d’une manière frontale au président d’Ennahdha.
Déjà, suprême blasphème, ce dirigeant notoire du Groupe frondeur des 100 se déclarait, il y a quelques jours, solidaire avec le président de la République Kaïs Saïed. Ce dernier ayant tenté, selon ses dires, « de mettre fin à la paralysie que les structures de l’Etat connaissent depuis quelque temps ».
De plus, il a osé mettre en doute l’intention de Rached Ghannouchi de ne pas briguer un troisième mandat à la tête d’Ennahdha. Critiquant sa « mainmise » sur le parti et sa persistance à « prendre les mauvaises décisions ». Et de conclure qu’Ennahdha « mérite un bien meilleur chef ».
Un avis bien partagé par un autre frondeur de taille, Abdellatif Mekki. Car il considère que « l’année 2013 était le début de la fin, puisque le président du parti agissait en inadéquation totale avec l’esprit, l’histoire et la nature collective d’Ennahdha. Et Rached Ghannouchi devra assumer sa responsabilité ». Avant de conclure, implacable « il est à l’origine de toutes les erreurs commises ».
Autoritarisme
D’autre part, dans son intervention le 25 août 2021 sur les ondes de Radio Med, Imed Hammami jugeait que le président du parti d’Ennahdha « n’a pas saisi le soutien massif de la population aux mesures exceptionnelles prises par le Président de la République, un certain 25 juillet 2025 ».
Et de poursuivre: « Lors de la dernière réunion de Majless Al Choura, nous avons demandé la révocation du président de ce conseil. Ainsi que la démission de l’ensemble du bureau exécutif. Car, nous considérons qu’ils sont directement responsables de la détérioration de la situation du parti et du pays.
Ils doivent laisser la place à de nouveaux visages, afin d’assimiler les messages du 25 juillet. Or, Rached Ghannouchi n’a rien voulu entendre, préférant créer des pseudos structures qui lui sont acquises.
Résultat? Cette décision confirme sa volonté de monopoliser la gestion du parti et de prendre les décisions de façon unilatérale! Il s’est emparé du parti ». Ainsi déplorait le dirigeant nahdhaoui « gelé ».
Il n’a pas fallu plus pour que la sentence du cheikh tombe comme un couperet. De plus en plus isolé, vivant dans une bulle schizophrénique, le cheikh fait le vide autour de lui. Triste naufrage.