Nous revenons, encore une fois, sur le sujet des prix. Le Ministère du Commerce et du Développement des Exportations a décidé la fixation des marges des produits d’hygiène (shampoings, savons, dentifrices et déodorants), des détergents (eau de javel et détergents en poudre et liquide) à 5% au niveau des ventes en gros et à 10% pour celles en détail.
Les prix de vente des pommes de terre et des volailles ont été également plafonnés. La marge bénéficiaire sur les dérivés de la viande de volaille est désormais fixée à 15%.
Attention aux effets inverses
Ces décisions visent à contrôler la hausse des prix pour des produits qui sont considérés comme de base et à limiter les tentatives de création de situations de monopole qui poussent les prix vers le haut. Néanmoins, est-ce que ces mesures tiennent compte de la structure des coûts de chaque produit? Des vendeurs de volaille à Sfax ont fermé leurs rideaux en signe de contestation contre ces décisions.
Il est vrai que les prix ont flambé à cause de cumul de marges d’intermédiaires qui ne devraient pas figurer dans le circuit. Toutefois, il y a des particularités pour chaque activité. Ce qui peut être applicable pour les produits alimentaires ne l’est pas nécessairement pour ceux industriels. Le cas de la viande de volaille est le bon exemple.
Il faut tenir compte des prix de l’énergie, des coûts d’exploitation et surtout des prix de l’alimentation animale qui ne cessent de grimper. Plafonner les prix de vente c’est détruire toute l’industrie.
Les petits exploitants vont disparaître et seuls les grands producteurs vont survivre et dominer encore le marché. Le résultat est diamétralement opposé à l’objectif des mesures.
L’enjeu dépasse les prix
Les différents secteurs producteurs font aujourd’hui face à de sérieuses difficultés. Constituer des stocks peut se transformer en un problème, surtout pour les sociétés qui s’adressent au marché local. La rationalisation des volumes de production s’avère la solution. C’est potentiellement des postes d’emplois perdus.
Maintenant, les industriels doivent adapter leurs structures de coûts. La compression des charges est la priorité absolue, via la digitalisation du maximum de tâches. Cela ne passe pas nécessairement par des investissements massifs. Mais plutôt par l’intégration des opérations dans des plateformes en ligne qui ne coûtent pas cher. Le recrutement devrait s’orienter vers les personnes polyvalentes avec une fonction clé: monsieur cost killer.
Après ce qui s’est passé le 25 juillet, la fibre sociale de tout gouvernement est inévitable et cette politique de prix devrait encore s’élargir. Il vaut mieux donc chercher à maîtriser son coût de production que d’attendre son sort sans rien faire. L’export est une piste à exploiter pour ceux qui ne l’ont pas tenté. Cela exige des certifications et des mises à niveau qui sont disponibles, mais qui nécessitent du temps.
L’avenir de l’industrie tunisienne est en train de se dessiner. Les limitations des marges signifient l’incapacité de pouvoir améliorer ses bénéfices et investir pour passer à l’industrie 4.0. Idem pour les agriculteurs qui vont continuer à souffrir.
Personne ne pourra démentir la bonne volonté de faire baisser les prix. Mais fonctionner contre le sens du marché ne pourra aboutir qu’à des problèmes encore plus profonds.