L’État de droit, cela s’entend, est de retour. Immense soulagement et liesse populaire, comme le pays en a rarement connu, après l’annonce par le Président de la République de l’activation de l’article 80 de la Constitution qui vit ses derniers jours. Congédié le chef du gouvernement Hichem Mechichi, qui s’est sabordé de lui-même en se plaçant sous la protection éphémère d’Ennahdha et de ses supplétifs politiques. Gel de l’ARP, cet immonde implant aux multiples rejets. Et pour couronner le tout, levée de l’immunité des députés, dont un grand nombre au passé chargé discréditent et déshonorent l’Assemblée.
En décrétant l’état d’urgence tout en concentrant tous les pouvoirs, le Président de la République a mis fin à une impasse, une crise politique majeure sans issue, aux conséquences désastreuses sur l’économie, les finances publiques et le modèle social.
Le Président a fait chuter un système politique tombé en décrépitude, verrouillé, cadenassé, au seul bénéfice d’Ennahdha qui en est le principal instigateur. Un « ordre » qui a fini par soulever la population qui s’en était prise violemment le 25 juillet à ses symboles. Et n’eût été l’intervention du chef de l’État, qui avait répondu à l’appel des manifestants, le pire était à craindre.
« Le Président de la République a mis fin à une impasse, une crise politique majeure sans issue, aux conséquences désastreuses sur l’économie… »
En dégainant l’article 80 au soir du 64ème anniversaire de la République, le Président Kaïs Saïed a sonné le glas de l’expansionnisme de l’islam politique, devenu, au fil des ans, sûr, arrogant et dominateur. Le Président a fait voler en éclats le mythe d’Ennahdha, dont on découvre qu’il est sans commune mesure avec son poids réel dans le pays. Il a, d’une certaine manière, enclenché un processus de décolonisation d’une mainmise idéologique tout aussi dévastatrice et pernicieuse que l’occupation étrangère.
Les nouveaux maîtres du pays post-révolution ont, depuis 10 ans, mis le pays en coupe réglée. Ils se sont comportés en véritables envahisseurs en quête de butin, au risque de dépecer le pays et de le priver des ultimes ressources, à l’effet d’entretenir le réseau d’infrastructure et le socle de production de l’État.
L’islam politique et son incarnation Ennahdha ont fait main basse sur les comptes de la nation. Ils se sont, de surcroît, mis au service de puissances étrangères, d’hommes d’affaires véreux, de barons de l’informel, de trafiquants en tout genre, bref des
carnassiers du capital. Ils ont ressuscité et amplifié dans ce qu’il a de plus abject et de plus condamnable le monde d’avant, la révolution, quand, de partout, les pays se projettent dans le nouveau monde qui porte la marque des technologies émergentes, l’IA, la biotechnologie, les transitions environnementales, énergétiques…
Les investisseurs privés, qui ne trouvent pas grâce aux yeux des Tunisiens, sont à la peine, pris entre le marteau des convoitises des uns et des autres, du cancer de la corruption, et l’enclume de l’excès de bureaucratie et du commerce informel.
« L’islam politique et son incarnation Ennahdha ont fait main basse sur les comptes de la nation »
L’investissement a perdu ses principaux ressorts. Il n’a plus de repères : incertitudes politiques et économiques, absence de visibilité, contestations et instabilités sociales tous azimuts, voire insécurité juridique. Le moyen et long termes ne sont plus d’actualité et ne font plus partie de notre lexique économique.
Dix années durant, sans vision, sans projets ni programme, et aucune trace de politique publique ou sectorielle. Rien que le vide sidéral. Si bien que le niveau de notre croissance potentielle, qui était de plus de 5%, est tombé si bas qu’il ne couvre même plus la croissance démographique.
L’éclipse, l’effacement, la désintégration de l’État post-révolution voulus, programmés et orchestrés par les nouveaux maîtres du pays, pour des raisons évidentes, ont ouvert de larges boulevards à la nébuleuse de l’économie informelle. Qui prolifère telles des cellules cancéreuses détruisant au passage de très larges pans de l’industrie et de l’activité structurée.
On importe aujourd’hui par voie légale ou détournée ce qu’on produisait et exportait autrefois dans des conditions de coûts concurrentiels. A qui la faute ? Ni contrôle sanitaire ou de qualité, ni droits de douane, encore moins de TVA, pas de taxe à la consommation, ni de protection effective antidumping, pas même des mesures de réciprocité. Le résultat se lit dans les statistiques du commerce extérieur et encore, il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg.
Le pays décroche, se désindustrialise. Et plus grave encore, se fracture en deux,
après que l’économie informelle, ses barons et ses seigneurs ont pris le dessus, édicté leurs propres règles et leurs propres lois en marge, si ce n’est en opposition des lois républicaines.
« On importe aujourd’hui par voie légale ou détournée ce qu’on produisait et exportait autrefois dans des conditions de coûts concurrentiels. A qui la faute ? »
L’opposition et les rapports conflictuels entre les deux secteurs vont bien au-delà des enjeux économiques et financiers. Ils ont des prolongements et de graves répercussions sociopolitiques. Et pour cause ! Le secteur privé dans ce qu’il a de plus performant, aujourd’hui vilipendé, stigmatisé, voué aux gémonies, cherche, ici comme ailleurs, dans les
démocraties les plus abouties, refuge et protection auprès de l’État auquel il fait allégeance. Qui a vocation à le soutenir, l’accompagner dans sa trajectoire à l’international et le protéger contre les intrus, la horde des envahisseurs.
Plus les groupes prennent du volume, plus ils font dans la transparence – c’est mécanique – plus ils deviennent dépendants des politiques publiques et sectorielles de l’État. Ils créent de la richesse, des emplois, distribuent des revenus, payent leurs impôts. Quand bien même ils ne se priveraient pas, le plus légalement du monde, de recourir à l’optimisation fiscale.
Il se crée alors un sentiment ou un phénomène de proximité, dont l’aboutissement est le fameux PPP, nouvelle marque de fabrique du capitalisme contemporain.
Tout autres sont le comportement et l’attitude de l’économie informelle. Cette galaxie, jusque-là intouchable, a d’autres types de rapports occultes avec le pouvoir. Son expansion ne bénéficie guère à la collectivité, alors qu’elle profite pleinement de la logistique et des services publics, sans aucune contribution fiscale ou financière à l’effort national.
Ni impôts, ni cotisations sociales, ni TVA, ni taxe professionnelle, ni redevance d’aucune nature et d’aucune valeur. Rien qu’un pillage et une spoliation de nos ressources sur une très vaste échelle.
« Plus les groupes prennent du volume, plus ils font dans la transparence – c’est mécanique – plus ils deviennent dépendants des politiques publiques et sectorielles de l’État »
Simple rappel des faits pour mesurer l’ampleur de cette saignée: l’économie informelle, c’est plus de 50% du PIB, aux dires des experts. En clair, elle génère plus de 55 milliards de dinars. Simple calcul, c’est plus de 15 milliards de dinars qui ne reviennent pas dans
les caisses de l’État. De quoi boucler notre budget et refermer le dossier de l’endettement.
Cet argent, soustrait des comptes de la nation, n’est même pas recyclé localement dans l’industrie ou les activités structurées, si l’on en juge par l’étendue de la fuite des capitaux à l’étranger.
La marche dévastatrice, la déferlante de l’économie informelle n’est pas sans conséquences sur la pérennité de l’État de droit. Les enjeux financiers sont tels qu’elle cherche en permanence à défier l’État, à l’infiltrer pour le miner et le paralyser de l’intérieur,
à le dominer via tout un système de complicité, de corruption jusqu’à le soumettre à ses propres exigences.
Ultime moyen pour préserver l’impunité des papes des circuits parallèles : leurs connexions avérées avec le crime organisé et le terrorisme. Qui sont aujourd’hui dans le viseur du Président. Il aura besoin de tout son courage, de sa détermination, de ses… missiles pour les amener à la raison. On en connaîtra l’issue aux premières frappes chirurgicales.