Le Président K. Saïed a donc décidé de prolonger les délais de suspension des institutions appelées démocratiques et se comportant en marché à la criée et parfois en marché aux puces. Manifestement, il a jugé qu’il faudra encore plus de temps pour faire sortir du trou les locataires de la fourmilière dans laquelle il a donné un coup de pied.
Dans cette fourmilière, il semble bien en effet que se cache une réserve importante
de vermines, bien accrochées à l’aubaine du parasitisme, évoluant en gangrène sous le couvert des slogans devenus creux. Et il n’y a pas un jour sans son lot de mises en examen sous des chefs d’accusation que l’on croyait propres aux organisations mafieuses les plus éprouvées.
Les accusés, au moins pour le moment, ne sont pas du menu fretin. On va tout
de suite ajouter qu’ils sont présumés innocents jusqu’à ce que la justice dise son mot, pour reprendre la formule consacrée, mais probablement devenue quelque peu obsolète dans certains cas.
En effet, quelques-uns des plus mouillés dans la sauce à vermine ont été pris la main dans le sac, et quelques-uns ont trouvé le moyen de prendre la tangente. Un ancien ministre, une magistrate, un député, ce n’est tout de même pas du menu fretin. Le peuple leur avait confié son destin, ils ont préféré participer au festin de loups et de hyènes, sur des proies faciles et même sur de la charogne. La justice va donc statuer sur leur éventuelle culpabilité. Etre présumé innocent, veut en effet dire aussi que l’on est peut-être aussi coupable.
C’est le cas du député qui, semble-t-il, disait tout bas, dans le langage des petits loubards, « Tahya tounès » quand il arrivait à engraisser sa fortune à l’occasion d’un coup tordu. Il aurait, selon les suspicions actuelles, mis le pays à genoux en tirant la couverture de la manne du phosphate à son profit exclusif. La députation lui a servi de belle couverture, au vu et au su du « parti » qui l’a porté candidat.
Comme il se trouve que le parti en question est « la chose » d’un ancien chef
de gouvernement tout à fait informé des pratiques pour le moins douteuses de l’intéressé, il va bien falloir expliquer au petit peuple le comment et le pourquoi de ce tour de passe-passe.
L’ancien chef de gouvernement et président du parti en question, Y. Chahed nous doit au moins une mise au point à ce sujet. Ou bien, en tant que haut responsable du pays, il ne savait pas, et il est donc coupable de non assistance à peuple en danger. Ou il savait, et il a laissé faire, et il devient coupable de haute trahison et de forfaiture dans l’exercice
de ses fonctions.
Y. Chahed n’aurait plus rien à dire, depuis un moment. Il faut dire que son laminage piteux par les élections présidentielles a au moins permis de le ramener à la raison. Il a donc préféré oeuvrer au sauvetage financier d’un club sportif, bien qu’il faille bien dire aux supporters du club en question de faire attention qu’il ne coule pas le club, comme il a réussi à couler encore plus le pays.
Dans cette affaire-là, il ne s’agit pas simplement de textes de loi : être responsable,
c’est être coupable, même en étant innocenté par un tribunal. Il semble même que toute une machine avait été mise en place pour mouiller justement l’appareil judiciaire et mettre quelquesunes de ses figures marquantes dans le secret, avec des profits faramineux
et des magouilles de toutes sortes.
Les avocats de C. Belaïd le disaient depuis longtemps qu’il y avait entourloupe derrière la façade sereine de certains hauts magistrats. Il s’avère malheureusement pour le pays qu’ils n’avaient pas tort.
L’argent rend fou, dit-on. Mais il est un peu court d’invoquer la folie quand on a failli aussi lamentablement à son devoir envers la Nation que l’on a eu l’honneur de diriger. Et s’il ne devait rester que cela, Kaiïs Saïed aurait eu raison d’avoir fait bouger les lignes. Cela ne préjuge pas de l’avenir, mais c’est déjà une occasion de juger la vermine.