Clap de fin avec la sortie du Président Kaïs Saïed au soir du 25 juillet 2021. Le pays était, il est vrai, à un stade avancé de décomposition. De quoi justifier le maintien de l’état d’exception. Mais question légitime, qu’en est-il de l’étape d’après ?
Besoin d’une feuille de route ? Sans aucun doute, et sans laisser traîner le temps qui joue en notre défaveur. Il y a urgence à indiquer un cap, une destination, des voies de sortie de crise. Il y a aussi nécessité à clarifier vision et projet présidentiels, pour ne pas entacher et brouiller le geste salutaire du Président le 25 juillet et il faut éviter que ne s’installent le doute, le scepticisme, la désillusion, voire la défiance.
Le Président doit revenir au plus vite dans le jeu constitutionnel, même si son attachement aux libertés privées, publiques et à la démocratie est hors de cause. Le pays a besoin de voir clair dans la démarche du chef de l’État. Plus vite il établira sa feuille de route, plus il se donnera de chances de convaincre les plus sceptiques et de triompher de ses détracteurs et adversaires, qui ne sont pas résignés de leur défaite. Ils ont perdu une bataille et se préparent à la guerre.
Au-delà de la conduite des actions qui sont les attributs de tout État moderne qui a vocation à promouvoir l’humain et servir l’intérêt général, il y a urgence à terrasser l’hydre de l’économie informelle pour donner plus d’air et de marge de croissance à l’économie structurée.
« Le Président doit revenir au plus vite dans le jeu constitutionnel, même si son attachement aux libertés privées, publiques et à la démocratie est hors de cause »
L’affrontement n’est pas sans risque. Mais le Président Kaïs Saïed ne peut, à lui tout seul, mener ce combat. Il lui faut des chefs de guerre et, en premier, un chef de gouvernement-premier ministre et une équipe ministérielle de choc, avertie, compétente et déterminée, prompte à relever tous les défis : une équipe plus soucieuse de l’avenir du pays que de sa propre carrière.
Une équipe qui ne doit pas céder au chant des sirènes populistes, ni abdiquer face aux réticences et résistances des corps constitués. Aujourd’hui, plus qu’hier, nous ne pouvons nous exonérer de sacrifices, ni nous soustraire des principes de réalité aussi contraignants soient-ils.
Le pays est dos au mur. Il ne peut avancer sans réformer ses entreprises publiques, devenues un véritable gouffre financier. Il est tout autant lesté par les dépenses de subvention à la consommation qu’il faut traiter, quoiqu’ avec une infinie précaution. Le pays doit impérativement dégraisser le mammouth, réduire la voilure de la fonction publique pour éviter que la masse salariale ne signe définitivement le déclin de l’investissement
public.
Le prochain gouvernement doit impérativement remettre l’économie en ordre de marche, relancer la croissance, replacer la notion de valeur travail au cœur de son action, pour éviter que ne se cristallise le sentiment d’assisté.
« Le pays est dos au mur. Il ne peut avancer sans réformer ses entreprises publiques, devenues un véritable gouffre financier »
Ce qui le met au défi de réinventer la notion même de l’État-providence. L’État protège autant qu’il doit libérer les énergies, la créativité, en misant sur la culture de l’innovation
plutôt que d’user et d’abuser du principe de précaution.
Fait d’évidence : il faut se garder de toute sorte de confusion. Ce que veut la rue n’est pas forcément du goût du peuple. Ce que veut le peuple, c’est un État fort, juste, qui légifère et entreprend quand c’est nécessaire, un État souverain, respectueux des libertés, qui restitue au pays sa dignité, son rang et son statut de pays émergent. Un pays qui ne craint plus pour son avenir et pour l’avenir des jeunes.
Ce que le peuple de Tunisie, dans toute sa diversité, veut, c’est aussi un pays réconcilié avec lui-même, avec ses problèmes, ses entreprises et nos champions nationaux.
Fait d’évidence : il faut se garder de toute sorte de confusion. Ce que veut la rue n’est pas forcément du goût du peuple.
Quel intérêt avons-nous à importuner sans discernement nos opérateurs économiques, dont un très grand nombre est au-dessus de tout soupçon ? Pourquoi les humilier en les soumettant à de véritables interrogatoires à l’aéroport par la police des frontières, jusqu’à leur faire rater souvent leur avion, alors que les vrais coupables sont dans la nature ? Quel bénéfice avons-nous à maltraiter cadres et chefs d’entreprises publiques, souvent grands managers et hauts commis de l’État jusqu’à les arrêter avant de les relâcher, faute de preuves ? Imagine-t-on l’effet que cela provoquera au sein des établissements publics ? Qui oserait demain prendre ses responsabilités et même s’y maintenir ? Pourquoi tant d’ingratitude là où il faut de la reconnaissance ?
On imaginait autrement la Tunisie d’après – le 25 juillet 2021. Le Président doit réagir au plus vite. L’idée même que cela puisse se produire est à proscrire, elle va à l’encontre de l’esprit du 25 juillet. Rien qui doit rappeler de près ou de loin ce que fut le maccartisme, ou qui ressemble à une quelconque chasse aux sorcières ne doit effleurer nos esprits.
Dans son combat pour faire barrage aux faussaires de la démocratie et aux fossoyeurs des libertés, le Président a besoin de l’adhésion de tous, des plus nantis aux plus démunis. Tous font partie du peuple de Tunisie.