Jusqu’à la date du jeudi 9 septembre, dix personnes assignées à résidence ont déposé des recours auprès du Tribunal administratif pour faire opposition à cette décision administrative issue du ministère de l’Intérieur et fondée sur des suspicions relatives à ces personnes.
Ces décisions ont suscité une polémique parmi les défenseurs des droits de l’Homme et la classe politique, surtout que le ministère de l’Intérieur n’a pas fourni des éclairages au sujet de ces dispositions et de l’identité des personnes assignées à résidence.
Plusieurs parties et structures ont dénoncé ces décisions prises à l’encontre, notamment, de députés, d’anciens ministres, de magistrats et de cadres supérieures de l’administration tunisienne.
Elles se sont interrogées sur la légalité de ces décisions et leur compatibilité avec les dispositions de la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie.
Ces procédures interviennent à l’issue des décisions prises le 25 juillet par le Président de la République, notamment la suspension des activités du parlement, la levée de l’immunité des députés et le limogeage du chef du gouvernement et de certains ministres.
La honte
Ahmed Souab, avocat et ancien juge administratif, a estimé que le décret-loi n°1978-50 régissant l’état d’urgence, en vertu duquel certaines personnes ont été assignées à résidence, est historiquement lié à une situation particulière qui est la grève générale. « Il s’agit donc d’une situation circonstancielle qui impose des limites de l’application de ce décret dans le temps », a-t-il expliqué.
« Tous les juristes, à l’exception de ceux qui appartiennent à l’ancien régime, ont estimé que l’application dudit décret est contraire à la constitution de 1959 et textes internationaux ratifiés par la Tunisie ». Et d’ajouter que le Tribunal administratif avait, dans le cadre de sa jurisprudence, signalé l’inadéquation de ce décret avec les lois en vigueur et la constitution.
L’activation du décret-loi n°2014-50, selon Souab, est une « honte pour la Tunisie », pointant une déviation dans son utilisation qui, « en apparence, émane du ministère de l’Intérieur, mais en réalité il s’agit d’une décision du chef de l’Etat ».
« Certaines décisions d’assignation à résidence ne sont pas justifiées. Elles sont indéterminées dans le temps », a-t-il dit.
Saisir le Tribunal administratif
Emna Kallali, présidente du bureau de Tunisie d’Amnesty International, a indiqué que l’assignation à résidence, selon les normes internationales, constitue une forme de détention. Elle nécessite certaines garanties pour être considérée comme légale. Et ce, même pendant l’état d’urgence.
« Elle est, dans certains pays, connue pour remplacer une peine de prison », a-t-elle indiqué.
De son côté, Mondher Cherni, secrétaire général de l’Organisation Contre la Torture en Tunisie sur l’impératif d’informer la personne concernée de la décision d’assignation à résidence pour lui permettre de saisir la justice. La loi tunisienne permet à la personne qui fait l’objet d’une assignation à résidence de saisir le Tribunal administratif pour contester et suspendre cette mesure, a-t-il poursuivi.
Avec TAP