La rentrée politique au Maghreb a été marquée, cette année, par un évènement majeur. A savoir, la raclée démocratique que recevaient les islamistes marocains; à travers leur défaite cinglante, lors des récentes élections législatives.
Le Parti de la justice et du développement (PJD) s’est effondré, après une décennie d’exercice des islamistes du pouvoir. Passant de 125 sièges dans l’Assemblée sortante à 12.
Le PJD, parti islamiste modéré, arrive loin derrière ses principaux rivaux. A savoir le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti authenticité et modernité (PAM). Deux formations de tendance libérale connues pour être proches du roi. Et le Parti de l’Istiqlal (PI, centre droit). Officiellement, ces trois partis remportent respectivement 97, 82 et 78 sièges, sur un total de 395.
A priori, il n’est pas logique qu’un parti à la tête d’un gouvernement, depuis dix ans, et ayant performé, en 2016, en augmentant son score de 2011, passe d’une élection à l’autre de 125 députés à seulement 12.
Le PJD chargé des sales besognes
Abstraction faite des protestations timides du PJD contre ce qu’ils appellent de « graves irrégularités » qui ont marqué les élections, la débâcle des islamistes marocains était prévisible. Et ce, pour deux raisons principales.
La première réside dans le fait que par avance, on savait que le PJD ne pouvait, dans un pays autoritaire et puissant comme le Royaume chérifien, que jouer le rôle de porteur d’encensoirs pour le roi Mohamed VI.
Invitée par le site 20 minutes à réagir à la défaite des islamistes marocains, Mounia Bennani-Chraïbi, sociologue du politique à l’IEP de l’université de Lausanne (Suisse), déclarait: « le PJD a joué le rôle qui lui a été assigné dans un pays autoritaire comme le Maroc. Celui du bouc émissaire consentant. C’est un fusible, parce que dans les faits, on est dans un système où le monarque règne et gouverne. Où tous les participants, l’écrasante majorité des partis politiques, concèdent que les grandes orientations stratégiques relèvent des prérogatives royales ».
Ainsi, le roi Mohamed VI s’est employé, dix ans durant, à utiliser ce parti malléable pour prendre des mesures impopulaires. Telles que: suppression des subventions de prix, réforme des retraites, institution de la sous-traitance dans la fonction publique, etc.
Le souverain chérifien se permttait également d’engager dans le pays des mégaprojets pour fouetter l’égo des Marocains. Avec: un second port en eaux profondes à Tanger « Nador West Med »; un train à grande vitesse (TGV) qui relie, depuis novembre 2018, Tanger à Kenitra; la méga-centrale solaire de NOOR-Ouarzazate.
Cynisme royal
Conséquence: après avoir usé et abusé de la popularité et de la légalité du parti consentant, le souverain a jugé, semble t-il, que cette formation politique a pleinement rempli sa mission. Et qu’il ne serait plus indispensable de recourir à ses services.
Ce qui dérange cependant, c’est la manière avec laquelle le PJD a été écarté. En effet, il a été jeté comme un Kleenex. Sinon, comment expliquer le cynisme orchestré pour faire reculer, dramatiquement, son score de 125 députés à 12 seulement. Avec, « en prime », aucune contestation, ni intérieure (manifestations dans les rues), ni extérieure (communiqués des G7…).
La deuxième raison à l’origine du naufrage des islamistes marocains a consisté en l’acceptation de la normalisation des relations avec Israël. Même si une telle décision relève des prérogatives royales.
Une certitude: les 36,5 millions de Marocains, en majorité musulmans opposés génétiquement à l’entité sioniste, ne pardonneront jamais au PJD d’avoir été complice d’une aussi grave décision.
« Ce qui dérange cependant, c’est la manière avec laquelle le PJD a été écarté. Il a été jeté comme un Kleenex »
Une décision qui a en plus généré, par ricochet, l’isolement du Maroc dans son environnement régional. Avec la rupture des relations diplomatiques avec l’Algérie. Et la crispation de ses rapports avec certains pays européens (notamment l’Espagne et l’Allemagne), à cause de l’affaire du Sahara occidental.
Morale de l’histoire: la débâcle des islamistes marocains vient confirmer, non seulement le recul de la mouvance islamiste partout dans le monde; mais surtout son incapacité à satisfaire ses élus, de gouverner et de bien gérer les rouages de l’Etat.
Au regard de leur bilan catastrophique, ils seront constamment, soit à la merci de régimes autoritaires- cas des islamistes marocains- soit de sponsors déstructurants et malintentionnés (cas de la secte Ennahdha en Tunisie).
Est-il besoin de rappeler que cette dernière, pour survivre artificiellement et perdurer au pouvoir, a toujours sollicité, directement ou par la pratique du lobbying, le soutien de puissances étrangères (Etats-Unis, Turquie, Qatar…)?