Dans une interview accordée hier lundi à un média étranger, Rached Ghannouhi est revenu sur plusieurs sujets, notamment l’éventuelle suspension de la Constitution. En plaidant pour un Dialogue national sous l’égide du président de la République. Enième manœuvre du vieux briscard de la politique?
Mais qu’est ce que le Cheikh n’est-il pas prêt à entreprendre pour récupérer son joujou, l’ARP, dont il a le sentiment d’avoir été injustement confisqué. Et où il régnait en maître absolu. Avant que son ennemi juré, le président de la République, vienne le déloger du Perchoir, un certain 25 juillet ?
Un homme du passé
Dernière trouvaille? Faire profit bas, plier l’échine comme un roseau et laisser passer l’orage en attendant des jours meilleurs. Tout en montrant au monde entier qu’il est l’homme du dialogue et de la réconciliation nationale. Un homme particulièrement soucieux de rétablir la démocratie et de défendre les acquis de la Révolution. En se posant en gardien sourcilleux de la Constitution de 2014.
Sauf qu’il ne se rend pas compte qu’il est désormais un homme du passé, avant d’être celui du passif.
Souffler le chaud et le froid
Soufflant tour à tour le chaud et le froid, Rached Ghannouchi a décrété que la dissolution du Parlement et la suspension de la Constitution, un pas que le Président n’a pas encore franchi, constituent un « acte inconstitutionnel ». Mais qu’il ne croit pas que le président de la République annulera une Constitution « qui lui a permis d’être installé au palais de Carthage ».
Dans une menace à peine voilée, le leader historique du mouvement islamiste d’Ennahdha a émis l’espoir que les événements futurs ne « dégénèrent pas en une escalade ».
« Nous comptons énormément sur l’inclinaison, propre aux Tunisiens, au compromis. Principale caractéristique de la personnalité tunisienne, connue pour la modération et le refus de glisser dans les dérapages lorsque les choses vont droit au mur ». Ainsi, il s’exprimait hier lundi lors d’une interview accordée à Arabi 21.
Rappelons à ce propos que, dans un communiqué rendu public samedi 11 septembre, le Mouvement d’Ennahdha a annoncé son refus catégorique de toute suspension de la Constitution. Estimant que la Constitution de 2014 « jouit d’un fort consensus et qu’il est inacceptable d’y introduire des modifications ».
Bien que, selon lui, « il n’y a plus d’échanges entre le mouvement Ennahdha et le président de la République, Kaïs Saïed, depuis le 25 juillet 2021 ». Son parti a essayé de renouer le contact avec la présidence de la République. Et ce, dans le but de tenir un Dialogue national. Ainsi que d’établir des négociations sous la supervision du président de la République. Tout en incluant tous les acteurs politiques, société civile et personnalités nationales ».
Mais pour la mise en route le Dialogue national, « seule issue possible à la crise actuelle afin d’éviter toute escalade des tensions », Ghannouchi estime que Kaïs Saïed devra mettre fin aux mesures exceptionnelles. Notamment le gel des activités parlementaires « qui bloque le fonctionnement des institutions de l’Etat ».
Vestiges du passé
Sur un autre volet, celui de l’interdiction de voyager et d’assignations à résidence à l’encontre de députés et d’hommes d’affaires, le président gelé de l’ARP Ghannouchi a déploré ces mesures qui « rappellent des pratiques censées avoir disparu avec le régime autoritaire de Ben Ali ».
« Ces mesures représentent une violation des libertés et des droits affirmés par la Constitution et les traités internationaux. La meilleure façon de traiter la question de la corruption est de la confier à la justice tunisienne à l’abri des influences et directives politiques. Et dans le cadre de la séparation des pouvoirs », a-t-il martelé.
Mea culpa ?
Enfin, esquissant un soi-disant mea culpa, Rached Ghannouchi a fini par reconnaitre que son parti « est partiellement responsable des erreurs relatives à la gouvernance du pays dans le passé ».
Quant aux tensions internes au sein d’Ennahdha, il estime que la diversité et la différence d’opinion politique représente une « richesse interne pour Ennahdha ».
Et d’ajouter: « En ce qui concerne la présidence du mouvement Ennahdha, j’ai assuré à maintes reprises que je respecterais les statuts du parti. Le onzième congrès représente une occasion de renouveler la direction du parti »
Une promesse qui laisse Imed Hammami plus que sceptique. En effet, l’ex-dirigeant nahdaoui récemment viré par son patron, vient de déclarer, hier lundi 13 septembre sur les ondes d’une radio privée, que « Rached Ghannouchi est la personnalité la plus détestée en Tunisie ». Et que par conséquent, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.