Des effets à long terme, moins perceptibles, ont fait porter des chaussures de plomb à une économie en grande difficulté, exacerbant encore plus les tensions sociales et contribuant à décourager davantage des investisseurs étrangers, effrayés par l’ampleur des incertitudes sur l’avenir politique du pays.
Témoignage de l’extrême mansuétude de la justice complice des islamistes, le jugement des vingt personnes poursuivies pour leur rôle dans l’attaque de l’ambassade, a été rendu en un temps record, après seulement une demi-journée de procès et les prévenus condamnés à deux ans de prison avec sursis.
Maintenant, rappelons à leurs défenseurs d’Europe et d’Amérique quelques vérités, dont certaines justifient l’état présent. Au lendemain de la chute du régime, notre sort était d’ores et déjà scellé et les islamistes, qui ne pouvaient résister à être ce qu’ils sont, étaient passés de l’habile dissimulation à la franche et arrogante occupation de l’espace médiatique et politique.
Les victoires successives des partis islamiques en Tunisie, au Maroc et l’élection à la présidence de l’Egypte de Mohamed Morsi, furent un moment exhibées comme témoignage idéologique de l’islamisme triomphant, proclamées comme marquant la victoire du système de gouvernement religieux sur tous les autres systèmes politiques séculiers, comme la suprématie absolue et définitive de l’idéal de l’Islam transformé en mythe fondateur, lequel ne constituerait pas seulement l’horizon indépassable de notre temps, mais se réaliserait effectivement, inhibant au passage l’idéal démocratique et la construction nationale. La Tunisie serait ainsi parvenue à l’ultime séquence de son destin et à l’horizon indépassable de son histoire.
Désormais dépositaires officiels de la vérité, les islamistes se mirent à réécrire l’histoire à leur façon. Depuis lors, nous n’avions cessé de vivre au rythme du flux et du reflux d’Ennahdha. Si le mouvement a été incapable d’élaborer son oeuvre de mainmise totale sur le pays, le péril islamiste ne s’est jamais éloigné.
Bien que délogé après les deux années de la Troïka, Ennahdha est resté dans la mouvance du pouvoir jusqu’à sa victoire aux dernières élections législatives. Aussi les islamistes continuent-ils à ne pas gouverner, mais à raisonner et à décider uniquement en fonction d’échéances électorales futures, en évitant les confrontations et en abreuvant tout le monde de promesses.
Arrivé au pouvoir lors des dernières élections, Ennahdha entendait le rester indéfiniment, nonobstant les avertissements, les scandales, les duplicités, les bilans désastreux et les échecs cuisants et meurtriers.
Maintenant, clarifions les choses depuis le début pour contribuer à l’élaboration d’une de feuille de route pour celui qui hésite encore à franchir le Rubicon. La démocratie est une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple. Elle implique par conséquent que les besoins des individus exprimés collectivement soient respectés et un gouvernement ne pourrait être qualifié de bon que si sa politique satisfait ces besoins.
Pour les Tunisiens de tous bords, un gouvernement doit réunir des critères économiques, aussi bien que sociaux ou politiques. Il est jugé bon, s’il joint à la compétence la volonté de transparence, le respect des droits de l’homme et de la loi. Mais, il est surtout bon par sa capacité à satisfaire les besoins primordiaux de chaque individu : nourriture, emploi, source d’identité mais aussi de revenus, soins de santé et sécurité.
L’accomplissement et le développement personnels, bien que nécessaires, étaient restés un luxe inatteignable à reporter indéfiniment. Pour les étrangers, gens d’affaires, qui cherchent à investir, le pays doit satisfaire à d’autres critères, dont le bon état de l’infrastructure et des réseaux technologiques, le coût bas de l’énergie, une main-d’oeuvre bien formée dans les secteurs porteurs, une stabilité politique, une politique économique favorable à l’ouverture sur l’extérieur, un niveau de corruption bas, etc. En revanche, les difficultés économiques, les tensions sociales, l’insécurité, poussent les firmes et les marchés à des comportements de prudence susceptibles à leur tour d’inquiéter d’autres investisseurs, le pays devenant alors un contexte de haute incertitude.
L’absence de gouvernement suscite aujourd’hui cet étrange sentiment d’être en décalage par rapport à la réalité présente. On est tenté de rappeler aussi l’irruption d’un événement colossal dans l’histoire de l’économie : la mondialisation. Celle-ci se traduit par l’adhésion à une économie moderne qui se caractérise par un marché diversifié et intégré, par une technologie adaptée aux problèmes de production que cette économie et cette société doivent résoudre, ainsi qu’un niveau de productivité tel que la grande majorité de la population peut assurer convenablement la satisfaction de ses besoins privés et collectifs.
En même temps, la modernité économique implique un Etat de droit, des règles et des valeurs qui font que chaque personne est traitée selon un principe d’égalité et d’impartialité. Ces valeurs et ces règles suscitent la confiance sans laquelle une économie ne peut pas fonctionner.
L’interaction entre les institutions politiques et les résultats économiques conditionne l’effet du niveau de vie sur la propension d’un pays à faire l’expérience de la démocratie.
Depuis Aristote, et jusqu’à nos jours, les Hommes ont fait valoir l’idée que c’est seulement dans une société riche où relativement peu de citoyens vivent dans une pauvreté réelle, que pourrait exister une situation dans laquelle la masse de la population pourrait intelligemment participer à la politique et développer la maîtrise de soi nécessaire pour ne pas succomber à l’appel des DEMAGOGUES IRRESPONSABLES.