Les résultats d’une récente étude élaborée par Jawhar Abdi et publiée par l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) montre l’impact de l’instabilité politique sur la création de nouveaux postes d’emploi. L’auteur de l’étude estime aussi que la réglementation tunisienne privilégie les entreprises étrangères au détriment des entreprises tunisiennes.
Les entreprises privées tunisiennes ont créé plus de 137 000 nouveaux emplois entre 2009 et 2019, représentant ainsi 74% du total et près de trois fois la contribution des entreprises étrangères au nombre total des emplois créés par le secteur privé au cours de la même période. Selon la même étude, cette impulsion importante sur l’emploi a été entravée par l’instabilité politique avec la succession de neuf gouvernements différents au cours des dix dernières années et des conditions de sécurité désastreuses. Ce qui a entraîné des réductions de 14 mille, 19 mille, et 5 mille le nombre d’emplois fournis par les entreprises tunisiennes respectivement en 2011, 2013 et 2015.
L’auteur de l’étude constate aussi que la contribution des entreprises internationales, en revanche, était moins importante. Cependant, l’article 7 de la loi sur l’investissement 2016-71, « dans des situations comparables, l’investisseur étranger bénéficie d’un traitement national non moins favorable que l’investisseur tunisien au regard des droits et obligations prévus par cette loi ». Ce qui offre aux investisseurs étrangers un traitement préférentiel estimant qu’ils joueraient un rôle plus important dans la création d’emploi.
Ces entreprises étrangères font preuve d’une flexibilité encore plus grande par rapport à leur homologue tunisienne. Car non seulement elles sont isolées des instabilités économiques nationales, mais elles bénéficient également des récentes lois qui leur sont favorables sur l’investissement et les réglementations fiscales.
Néanmoins, en 2017, le nombre de postes fournis par le secteur privé tunisien a été multiplié par près de 12 fois, passant ainsi de 5 mille à 59 mille en une seule année.
Cette amélioration de l’activité économique portée par une amélioration soutenue des conditions de sécurité, une amélioration des services et une bonne saison agricole, a conduit au redressement des entreprises tunisiennes créant ainsi plus de 77% des nouveaux emplois en 2017.
Retour de l’instabilité politique
« Le nombre des emplois créés par les entreprises tunisiennes est en baisse ces dernières années en raison de l’insuffisance des réglementations gouvernementales à soutenir les entreprises nationales et du retour de l’instabilité politique », souligne l’étude.
Indépendamment du traitement préférentiel des entreprises étrangères évoqué par cette étude, à l’heure actuelle, les chiffres officiels sur le marché de l’emploi relatifs aux mois de juillet et août 2021, période durant laquelle le pays a connu un tournant politique important avec l’annonce de nouvelles mesures exceptionnelles et le gel de l’activité du Parlement, ne sont pas encore disponibles pour mesurer l’impact de ces décisions sur le marché de l’emploi en Tunisie.
Toutefois, certains indicateurs permettent d’avoir une idée sur les perspectives de l’évolution du marché de l’emploi pour les mois à venir. Au deuxième trimestre de l’année en cours 10,4% des entreprises du secteur privé étaient définitivement fermées. 11,2% l’ont été temporairement. Ce qui ne manquera pas d’avoir, selon le Forum ibn khaldoun pour le développement (FIKD), des retombées sur la croissance et en conséquence sur l’emploi.
Pour le premier semestre de l’année en cours, la tendance baissière du nombre des emplois se confirme. Au premier semestre, le nombre de chômeurs estimé s’établit à 742.8 mille du total de la population active, contre 725.1 mille chômeurs pour le quatrième trimestre 2020. Le taux de chômage augmente au premier trimestre pour atteindre 17.8%, contre 17.4 % au trimestre précédent.
Au deuxième trimestre 2021, le nombre des occupés s’établit à 3406.9 mille contre 3428.8 mille au premier trimestre de 2021, soit une diminution de 21.9 mille. Le nombre global des occupés recule ainsi à son niveau du deuxième trimestre de 2020.
Selon des chiffres publiés par l’APII, malgré la hausse 11.3% du nombre de projets déclarés durant les sept premiers mois 2021, le nombre des postes d’emplois à créer par ces projets était en baisse de 10%.
Les efforts consentis ces dernières semaines, avec notamment le déploiement continu de la vaccination et de la reprise progressive de l’activité économique, ont certes aidé à éviter le pire lorsque la pandémie a frappé le pays.
Toutefois, le retour de l’instabilité politique pourrait accentuer les tensions sur le marché de l’emploi en Tunisie. L’état des lieux est aussi préoccupant notamment avec le contexte politique actuel qui accentue l’incertitude, ennemi n°1 de la relance et de l’investissement qui est une source importante de la création de richesse et d’emplois.