Tandis que la 76ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies prend fin, diverses thématiques de l’agenda international ont fait l’objet de prises de position de ses Etats membres. Telles que: les inégalités, les droits de l’Homme, les enjeux environnementaux et la revitalisation de l’ONU, sur fond de débâcle occidentale en Afghanistan. Des thématiques sur lesquelles António Guterres, le Secrétaire général de l’ONU n’a pas hésité à dramatiser les enjeux. En parlant d’un monde « au bord du précipice », lors de son discours d’ouverture du débat général. Au-delà de sa fonction tribunicienne, cet exercice permet également de prendre la mesure des jeux de puissance. Dans un contexte marqué par la « guerre froide » qui se dessine à grands traits entre les deux superpuissances du XXIème siècle: les Etats-Unis et la Chine. Une confrontation qui charrie surtout deux tendances lourdes: la montée en puissance de l’Asie et le déclinisme du monde occidental. Un double phénomène qui s’inscrit dans un contexte marqué également par la concurrence accrue de puissances mondiales privées auxquelles doivent faire face les Etats. Dès lors, le paysage mondial est plus que jamais fragmenté, éclaté.
La session ordinaire annuelle de l’Assemblée générale de l’ONU est un rendez-vous essentiel de l’agenda diplomatique mondial. La tribune onusienne offre l’opportunité pour chaque Etat de décliner sa vision du monde et d’afficher ses priorités diplomatiques ; l’évènement est aussi l’occasion privilégiée de renforcer les relations bilatérales et multilatérales des chefs d’Etat et de gouvernement.
La montée en puissance des acteurs non étatiques
Reste que la portée institutionnelle et médiatique de l’Assemblée générale de l’ONU contraste avec une forme de désétatisation de l’ordre international. Dans lequel s’affirment des acteurs extra-étatiques, des puissances privées telles que les GAFAM, susceptibles de contourner voire d’imposer leur volonté à la plupart des Etats.
En outre, de grandes multinationales (Apple, Microsoft, General Electric, Total, etc.) ont acquis un poids financier comparable, voire supérieur à certains États. Et elles sont en mesure d’imposer leur volonté à des gouvernements censés être indépendants. Parallèlement aux États, les grandes sociétés multinationales (dont la nationalité est parfois difficile à définir), jouent un rôle important. Que ce soit dans la projection de puissance que dans la possibilité de véhiculer des valeurs.
La société internationale stato-centrée n’est plus. En effet, l’altération des attributs de la souveraineté et de la puissance de l’État caractérise une société mondiale. Les économies nationales sont interdépendantes, le pouvoir de décision et les intérêts des États sont concurrencés par des normes/acteurs privés transnationaux.
De plus, la multiplication des échanges– commerciaux, financiers, intellectuels…–; les transformations de l’économie internationale qui tendent à créer un marché (mondial) unique pour les biens, les services, le capital et le travail; l’intensification des relations entre individus et/ou groupes de nationalités différentes. Tous ces facteurs sont de nature à contourner les cadres/canaux (inter) étatiques classiques et à accentuer la transnationalisation des relations internationales.
La distinction formelle a perdu de sa pertinence entre: « politique internationale » (objet des États) et « vie internationale » (objet des acteurs privés); entre relations internationales publiques et privées; entre politique étrangère et politique interne.
La montée en puissance de la Chine
Le puzzle que représente la scène internationale et la nouvelle configuration mondiale du XXIème siècle sont marqués par la fin du « moment unipolaire » des États-Unis. Et au-delà, du cycle hégémonique de leur rayonnement et influence. Celui-ci reflète plus largement le déclin des puissances occidentales; en contraste avec la montée en puissance de la Chine.
Les relations internationales contemporaines sont marquées par un déclin des Etats-Unis et une « provincialisation » de l’Europe. Tous deux traditionnellement réunis sous l’appellation d’Occident. Ainsi, l’hégémon américain n’agit plus comme le garant de l’ordre multilatéral libéral qu’il avait établi, en 1945. Mais il n’est plus guidé que par la recherche de ses propres intérêts.
Le passage entre le XXème et le XXIème siècle est marqué par la montée en puissance économique des pays asiatiques. Une dynamique dont les indices sont multiples. D’abord démographique puisque plus de la moitié de l’humanité vit en Asie. La population de la Chine et de l’Inde représentant à elle seule plus du tiers de la population mondiale, certes. Mais également économique et commercial. En effet, son poids dans la création de richesses a doublé, passant d’un sixième à un tiers. Sur l’échiquier économique mondial, l’Asie n’a cessé de monter en puissance, sous l’impulsion du Japon; puis, surtout, de la Chine, depuis les années 2000.
Il y a vingt ans, lors de son accession à l’Organisation mondiale du commerce fin 2001, la Chine était un marché, une puissance émergente. Puis elle a affiché sa modernisation lors des Jeux olympiques de 2008. Enfin, depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012, elle se pose en concurrent global aux Etats-Unis. De puissance régionale, la Chine est devenue un leader mondial capable de disputer le leadership des États-Unis. Alors, reste « la » question qui se pose aux Américains comme aux Européens: jusqu’où pousser la confrontation avec la Chine?