Outre le souci sécuritaire, tout à fait légitime, la décision du gouvernement français de réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux ressortissants des pays maghrébins semble justifiée par le désir du président Macron de ne pas laisser un boulevard à l’extrême droite française. Laquelle axera sa campagne présidentielle sur le dossier explosif de l’immigration.
Hasard du calendrier? L’annonce, hier mardi, de la réduction du nombre de visas accordés aux ressortissants des pays maghrébins coïncide avec le jour où Marine Le Pen, la candidate de l’extrême droite française, a prévu de lancer son projet de référendum sur l’immigration.
Et ce, à moins de sept mois de la présidentielle où le sujet épineux de l’immigration risque d’être au centre des enchères entre les candidats de la droite. Notamment leur nouveau porte-drapeau, le polémiste et candidat putatif à la présidentielle, Eric Zemmour, porteur d’un discours ouvertement xénophobe, raciste et islamophobe.
S’agit-il pour le président sortant, Emmanuel Macron, de donner des gages aux électeurs à la droite et à l’extrême droite afin de renouveler un bail à l’Elysée?
Une décision drastique
« C’est une décision drastique, c’est une décision inédite. Mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France ». Ainsi, se justifiait le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal au micro de Sonia Mbarek sur Europe 1. Emettant l’espoir que cette décision prise il y a quelques semaines « pousse les pays concernés à changer de politique et à accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires ».
En effet, le gouvernement français a décidé de durcir les conditions d’octroi des visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. En procédant à une baisse d’ici quelques semaines de 50% du nombre de visas délivrés pour les ressortissants du Maroc et de l’Algérie. Et de 33% pour ceux de Tunisie. Sous prétexte que ces pays « refusent » de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France.
« Il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces. Aujourd’hui on met cette menace à exécution », ajoute Gabriel Attal. En pointant du doigt la responsabilité des trois pays du Maghreb. Tout en assurant que le gouvernement de Jean Castex avait fait assez preuve de patience depuis les premières négociations en 2018 sur ce sujet. Alors qu’il a toujours été accusé par la droite et l’extrême droite de ne pas expulser assez.
Pour rappel, Emmanuel Macron, qui avait promis au début de son quinquennat un taux d’exécution des reconduites à la frontière de 100% tous pays confondus, avait réclamé en juin à son gouvernement des mesures « opérationnelles très rapidement ». Avec comme priorité, les expulsions des étrangers irréguliers auteurs d’actes de terrorisme ou fichés pour radicalisation. Mais aussi de ceux ayant commis des crimes et délits et autres infractions graves.
Rabat, Alger et Tunis accusés de traîner les pieds
En effet, le gouvernement français reproche à Rabat, Alger et Tunis de traîner des pieds pour délivrer ces laissez-passer consulaires. A savoir des documents nécessaires pour expulser des ressortissants vers ces pays.
Ainsi, en se basant sur les chiffres du ministère de l’Intérieur communiqués mardi 28 septembre à l’AFP, il s’avère que l’Algérie a délivré entre janvier et juillet 2021 un total de 31 laissez-passer consulaires pour 7.731 obligations de quitter la France (OQTF) prononcées, et 22 expulsions réalisées. Soit un taux d’exécution de 0,2%.
Ce taux est de 2,4% pour les OQTF concernant les ressortissants marocains, et de 4% pour les Tunisiens.
La Tunisie sujette à des pressions croissantes
Faut-il rappeler à ce propos que la France et plusieurs de ses partenaires européens placent la migration au centre de leur dialogue avec le Maghreb. La Tunisie en particulier fait l’objet de pressions croissantes ces dernières années. Et ce, pour faciliter le renvoi des migrants arrivant irrégulièrement en Europe.
Ainsi, en 2020, plusieurs ministres italiens et commissaires européens avaient notamment fait le déplacement à Tunis pour soulever la question migratoire. La Tunisie s’était ainsi résolue à accepter le doublement des expulsions depuis l’Italie.
Réaction marocaine
En attendant la réaction d’Alger et de Tunis, Rabat a regretté, mardi 28 septembre, la décision de la France de durcir les conditions d’obtention des visas à l’égard du Maroc.
« Nous avons pris acte de cette décision, nous la considérons comme injustifiée. Le Maroc a toujours géré la question migratoire avec une logique de responsabilité et d’équilibre. Entre la facilitation des déplacements des personnes et la lutte contre la migration clandestine ». C’est ce qu’a affirmé le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d’une conférence de presse.
Affaire à suivre.