Séisme politique en Tunisie. Une nomination surprise et historique effectuée par un pays pionnier dans le monde arabe en matière des droits des femmes. Une femme qui incarne la fierté des Tunisiennes. Lesquelles ont applaudi à sa nomination, car elle incarne désormais l’espoir, la dignité de la moitié de la population du monde arabe. C’est en des termes aussi élogieux que la presse internationale, surprise et admirative, a qualifié la désignation de Nejla Bouden au palais de la Kasbah. Extraits.
Nejla Bouden est la fierté des Tunisiennes
Ainsi, Vincent Hervouët, éditorialiste à Europe 1 écrit: « Le président tunisien Kaïs Saïed a chargé Nejla Bouden, une femme, de former un gouvernement, une première dans l’histoire du pays. Elle hérite de la lourde tâche de réformer la Tunisie, un pays miné par la crise économique. Ses pouvoirs seront toutefois limités par le président qui s’est arrogé les pleins pouvoirs il y a deux mois. »
« Elle est pour toujours la première femme à diriger un gouvernement arabe. Et qu’importe si elle échoue à réformer le pays, comme tous ses prédécesseurs depuis la chute de Ben Ali, elle est la fierté des Tunisiennes », s’est-il écrié.
Le journaliste souligne également que Kaïs Saïed a chargé Nejla Bouden de former un gouvernement. « Mais c’est le chef de l’État qui sera le réel détenteur du pouvoir exécutif. Il présidera le conseil des ministres, en vertu d’un décret contenant des « mesures exceptionnelles » adopté le 22 septembre. Son gouvernement devra lutter en priorité contre la corruption. Très endettée et dépendante des aides internationales, la Tunisie fait face à une profonde crise économique et sociale: chute du PIB, forte inflation, chômage à près de 18%, aggravée par la pandémie de Covid-19 », a-t-il rappelé.
Etroite marge de manœuvre
Pour sa part, le site de TV5 rappelle que Nejla Bouden, scientifique de formation, née en 1958 à Kairouan, pratiquement le même âge que le président Kaïs Saïed, est inconnue du grand public.
Avant sa nomination surprise, Nejla Bouden était directrice générale d’un projet de réforme de l’enseignement supérieur. Auparavant, cette docteure en géologie avait été chargée de mission, puis directrice générale au ministère de l’Enseignement supérieur. « La société civile tunisienne reste partagée sur ce choix. Certains de ses membres louent la première nomination d’une femme à la tête d’un gouvernement. D’autres rappellent les positions très conservatrices du président Saïed sur le rôle des femmes ».
« C’est historique et c’est relativement bien accueilli. Mais c’est sa marge de manœuvre qui va déterminer le succès de son action ». Ainsi conclut le journaliste du média parisien.
Un geste d’apaisement
Un son de cloche différent de la part de l’Orient-Le Jour, le quotidien francophone libanais. Il relaye l’analyse de Sarah Yerkes, spécialiste de la Tunisie au think tank Carnegie Endowment for International Peace. Selon elle, « avec la nomination de Nejla Bouden, Kaïs Saïed tente un geste d’apaisement ».
« Il faut d’ailleurs noter que Mme Bouden est originaire de Kairouan, l’une des régions de l’intérieur du pays traditionnellement marginalisées, et non des enclaves côtières d’élite. Mais globalement, on ne sait pas pourquoi Kaïs Saïed l’a choisie ».
Et de poursuivre: « Le fait que cette nomination intervienne quelques jours seulement après que des milliers de Tunisiens furent descendus dans la rue pour dénoncer ce que de plus en plus de gens appellent « le coup d’État de Saïed », ne semble pas être une coïncidence.
Cela semble être un geste pour apaiser certains Tunisiens en colère. Ainsi que les puissances internationales qui se font de plus en plus entendre sur la dérive autoritaire de Kaïs Saïed. Cependant, étant donné que le président continue de gouverner par décret, sans Parlement, ignorant la majeure partie de la Constitution, on ne peut savoir quel pouvoir elle aura ou comment cette nomination réduira de quelque manière que ce soit le contrôle total de Kaïs Saïed sur tous les aspects du système politique tunisien ».
Kaïs Saïed a su cacher son jeu
Enfin, sous le titre « La femme qui a faussé tous les pronostics », le site marocain Le Reporter.ma souligne que la nomination mercredi, après plus de deux mois d’attente et de vaines spéculations, de Mme Nejla Bouden en tant que nouvelle cheffe de gouvernement tunisien, « a surpris à plus d’un titre ».
« Le président tunisien Kaïs Saïed a toujours cherché, depuis son accession à la présidence de la République depuis 2019, à surprendre, à prendre à contre-pied la classe politique et à fausser tous les pronostics.
Il a, dans le cas d’espèce, su et pu entretenir jusqu’au bout le mystère, cacher son jeu en ne succombant pas aux fortes pressions qui lui ont été exercées. Il a fait son choix de nommer seul, pour la première fois depuis l’indépendance de la Tunisie, une femme pour assumer la lourde tâche de présider le 3ème gouvernement depuis son élection en 2019 », affirme le site marocain.
Une lourde tache à assumer
Et de s’interroger: « Manifestement, la nouvelle cheffe de gouvernement aura la lourde charge de remettre à flot un pays au bord du gouffre, de restaurer la confiance perdue, de redonner espoir aux jeunes, de présenter une perspective d’avenir. Y parviendra-t-elle? Réussira-t-elle à gagner la confiance des institutions internationales? Parviendra-t-elle à piloter une équipe dans le contexte difficile actuel qui aura pour principale mission le sauvetage du pays, la conduite des réformes, la remise des services publics en état de marche, l’identification de solutions urgentes pour que le pays ne tombe dans l’inconnu? Aura-t-elle la confiance des syndicats qui l’attendent depuis un certain temps d’un pied ferme pour imposer de nouvelles augmentations salariales? »
Et de conclure: « Le message recherché par le chef de l’Etat a été vite bien reçu, nonobstant les réserves des élus d’Ennahdha en décomposition et de certaines figures politiques de la gauche et des courants qui se proclament socio-démocrates ». Et toc.